La Tribune Hebdomadaire

Airbus vise 2021 pour le premier vol de son E-Fan X

PROPULSION Après avoir abandonné l’idée d’un avion tout électrique, l’avionneur européen planche sur un démonstrat­eur hybride. Ce savoir-faire pourrait être intégré à terme dans ses futurs aéronefs.

- FLORINE GALÉRON

« L’E-Fan X est un pur banc d’essai volant qui a pour but de faire arriver plus rapidement à maturité des briques technologi­ques » OLIVIER MAILLARD, DIRECTEUR DU PROGRAMME

Dans la course à l’avion plus « vert », Airbus planche depuis des années sur une solution électrique. Lors de l’édition 2013 du Bourget, l’avionneur avait présenté l’EFan, un projet d’avion-école biplace à propulsion électrique alimenté par des batteries au lithium-ion. Un premier prototype avait réussi à traverser la Manche et une usine d’assemblage devait être construite à Pau. Mais en novembre 2017, Airbus a annoncé l’arrêt des recherches sur un avion tout électrique pour se concentrer sur une solution hybride baptisée E-Fan X.

« Nous voyons dans la propulsion hybride une technologi­e convaincan­te pour l’avenir de l’aviation. Les leçons que nous avons tirées d’un long passé de démonstrat­eurs de vol électrique­s, qui a commencé par le Cri-Cri, puis l’e-Genius et l’EStar et a atteint son apogée avec l’E-Fan 1.2, associées aux fruits de la collaborat­ion d’E-Aircraft Systems House avec Siemens, ouvriront la voie à un avion commercial monocouloi­r

hybride sûr, efficient et économique », indiquait Paul Eremenko, qui était alors Chief Technology Officer chez Airbus.

TESTER LA TECHNOLOGI­E EN CONDITIONS RÉELLES

Au lieu de concevoir un nouvel appareil tout électrique, l’idée est désormais de créer un démonstrat­eur pour tester la technologi­e hybride et l’intégrer à terme dans les futurs aéronefs. « L’E-Fan X est un pur banc d’essai volant qui a pour but de faire arriver plus rapidement à maturité des briques technologi­ques. L’intérêt est de tester où les systèmes électrique­s apportent le plus de bénéfices, en matière de réduction de la consommati­on de carburant par exemple, pour les intégrer dans de futurs produits », avance Olivier Maillard, le directeur du programme. Pour tester l’E-Fan X, les ingénieurs vont utiliser un avion de taille moyenne, un BAe 146, où l’un des quatre réacteurs sera remplacé par un moteur électrique d’une puissance de deux mégawatts.

Alors que le premier prototype tout électrique E-Fan était conçu pour accueillir seulement deux personnes, l’appareil est doté de 100 places. « Nous voulons être prêts à pouvoir intégrer ces technologi­es sur des plateforme­s de type A320 où l’on pourrait imaginer à terme une hybridatio­n », explique le responsabl­e du programme. Au lancement du projet, il était envisagé de remplacer un second réacteur. « La maturité technique acquise a permis de voir qu’à l’échelle de cette plateforme il serait déraisonna­ble d’en mettre un second par rapport au niveau d’investisse­ment nécessaire et au bénéfice es compté », explique Olivier Maillard. À l’origine, Airbus s’était associé sur le projet avec RollsRoyce, chargé du turbomoteu­r, du générateur et de l’électroniq­ue de puissance, et Siemens, qui devait livrer les moteurs électrique­s. L’avionneur et le groupe allemand ont annoncé début mai que leur collaborat­ion sur ce projet allait s’arrêter un an plus tôt que prévu. Ce changement fait partie des éléments qui ont conduit Airbus à décaler la date du premier vol de l’E-Fan X de fin 2020 à 2021.

L’ÉLECTRIQUE AU DÉCOLLAGE

En attendant, les tests en laboratoir­e ont déjà commencé. « Airbus est en charge de toute l’intégratio­n électrique avec un réseau qui fonctionne sur du 3%000 volts, une tension que nous n’avons jamais utilisée jusqu’à présent dans l’aviation. Nous avons réalisé des tests sur des structures armées à 3%000 volts pour voir ce qu’il se passait en termes de court-circuit et d’arcs électrique­s. Cela permet de définir les règles d’installati­on », détaille Olivier Maillard. Depuis les sites d’Airbus à Toulouse, des tests sont également menés sur les risques d’explosion des batteries. « Nous poussons actuelleme­nt les batteries à leurs limites en laboratoir­e. Ces expérience­s nous permettent de bien comprendre tous risques potentiels de sorte que nous puissions faire voler ce démonstrat­eur dans des conditions de sécurité absolue », poursuit-il. L’autre enjeu avec l’E-Fan X est de déterminer avec précision sur quelles phases du vol la propulsion électrique apporte le plus de valeur ajoutée. « Le décollage est la période pendant laquelle l’avion nécessite le plus de puissance. Or, nous sommes confrontés actuelleme­nt à des turboréact­eurs convention­nels surdimensi­onnés par rapport aux besoins en vitesse de croisière. Utiliser l’énergie électrique au décollage permettrai­t de réduire la consommati­on de carburant mais aussi le bruit. Les machines thermiques convention­nelles pourraient apporter leur efficacité une fois le régime de croisière atteint. Avec les tests, nous allons acquérir un certain nombre de données pour déterminer les schémas hybrides électrique­s les mieux adaptés », décrit le chef du programme. Airbus n’a pas annoncé d’objectif de réduction de carburant en passant par l’hybridatio­n.

SE RAPPROCHER DES ZONES URBANISÉES

Pour autant, l’avionneur européen s’est engagé à remplir les objectifs environnem­entaux techniques de l’Union européenne contenus dans le rapport « Flightpath 2050 Europe’s Vision for Aviation » de la Commission européenne.

Ce texte prévoit une réduction des émissions de CO2 de 60 %, des émissions d’oxydes d’azote de 90 % et du bruit de 75 % d’ici trente ans. « Ces objectifs ne sont pas réalisable­s avec les technologi­es actuelles, relève le géant aéronautiq­ue. Aujourd’hui, la propulsion électrique et la propulsion hybride sont comptées au rang des technologi­es les plus prometteus­es pour répondre à ces défis. » Au-delà de l’impact environnem­ental, en réduisant le bruit, les avions hybrides laissent entrevoir, selon Airbus, la possibilit­é de rapprocher les aéroports des zones urbanisées, et de gagner en compétitiv­ité par rapport au TGV.

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[AIRBUS GROUP/CAPA/CYRIL ABAD] Pour tester cet appareil muni d’un seul réacteur électrique sur quatre, les ingénieurs vont utiliser un avion de taille moyenne, un BAe 146, doté de 100 places.

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