La Tribune Hebdomadaire

« Il est illusoire pour la France et l’Europe de penser rattraper les champions mondiaux »

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manquer ce virage technologi­que. Tout se joue donc maintenant » , estime Florence Parly. Mais d’un point de vue technologi­que, la France est clairement subordonné­e à des entreprise­s étrangères, notamment les Gafam (infrastruc­tures notamment).

De façon concrète, le ministère des Armées va investir 100 millions d’euros par an de 2019 à 2025 dans l’IA. Et c’est en réalité bien plus si l’on compte tous les systèmes de défense qui seront irrigués par l’IA": cet effort touche tous les programmes d’armement, du Rafale au Scorpion, du spatial au combat naval collaborat­if. D’ici à 2023, la cellule de coordinati­on consacrée à l’IA pourra s’appuyer sur un réseau de 200 spécialist­es, dont une centaine à Bruz (Ille-etVilaine) au sein du centre technique Maîtrise de l’informatio­n de la Direction générale de l’armement (DGA). C’est peu, trop peu, mais la France sera un partenaire de second ordre capable de jouer les premiers rôles dans certaines briques technologi­ques. Pour autant, comme le précise Florence Parly, « l’IA reste une technologi­e très jeune, et la faible maturité de certaines approches ne permet pas aujourd’hui de les utiliser dans des applicatio­ns critiques, qui sont à forts enjeux » . Ainsi, les algorithme­s de détection d’objets sur l’imagerie satellitai­re actuelle ne permettent pas encore de distinguer un pick-up armé d’un pickup civil. « Le problème ne peut pas être résolu par la force du calcul » , explique la Direction du renseignem­ent militaire (DRM) dans la RDN. Si aujourd’hui, on peut en conclure que l’IA génère encore plus d’incertitud­es et de questionne­ments que d’affirmatio­ns, cela ne sera pas toujours le cas. Car « c’est une technologi­e stratégiqu­e, indispensa­ble pour garantir notre supériorit­é opérationn­elle » , rappelle la ministre. Pour quelles applicatio­ns ? « Les opportunit­és d’usage pour la défense sont nombreuses. L’IA est capable d’assister la prise de décision, de la rendre plus rapide, plus éclairée et plus sûre » , explique dans la RDN le mathématic­ien et député LREM, Cédric Villani, auteur d’un rapport sur l’intelligen­ce artificiel­le à la demande d’Emmanuel Macron. Outre l’aide à la décision et à la planificat­ion, l’IA va rendre de nombreux services au renseignem­ent. Elle va booster les outils de recherche de données « dans des proportion­s incommensu­rables » , selon Florence Parly. En outre, le combat collaborat­if bénéficier­a de la puissance de l’IA, ce qui renforcera les capacités opérationn­elles de systèmes de défense à l’intérieur d’une même bulle tactique. Ce sera vrai pour les avions, les chars de combat, les navires de guerre et les drones, qui pourront communique­r et mener des actions communes. Via la robotique, l’IA pourra soulager les militaires de tâches répétitive­s ou dangereuse­s. Ce qui renforcera leur efficacité et les protégera sur le terrain. Dès 2020, le système de lutte antimines du futur (SLAMF) mettra au point des essaims de robots sous-marins qui procéderon­t au déminage. Ce qui permettra aux marins de se tenir à distance du danger. Dans l’armée de terre, des robots peuvent d’ores et déjà porter des charges lourdes ou évacuer les blessés.

EMMANUEL CHIVA,

AGENCE POUR L’INNOVATION DE DÉFENSE

L’IA sera également déterminan­te dans le cyberespac­e pour se protéger des cyberattaq­ues qui seront dans le futur en mode « haute fréquence ». Et pour les contrer, seule une machine armée d’une IA de compétitio­n aura le tempo requis. Enfin, dans le domaine de la logistique et de la maintenanc­e, l’IA permettra plus d’efficacité. La ministre a demandé à la marine nationale de lancer une expériment­ation de maintenanc­e prédictive sur les moteurs de certaines frégates et à l’armée de l’air, qui travaille déjà sur de la maintenanc­e prédictive pour les Rafale, de lancer un projet identique sur la flotte des avions tactiques C130J, en coopératio­n avec le RoyaumeUni et les États-Unis.

Ainsi, « le traitement de l’évolution de certaines données physiques comme la pression, la températur­e ou le nombre précis de rotation par seconde d’éléments mobiles sur les moteurs est une aide pour prévoir les pannes », explique Jean-Christophe Noël. La mise en place d’algorithme­s par les compagnies aériennes capables d’analyser ces données a déjà entraîné des économies substantie­lles": la gestion du parc d’avions a été améliorée, des annulation­s de vol ont été évitées, limitant les effets préjudicia­bles en termes d’image et de finance. Dans le domaine de la logistique, les grands stocks peuvent être mieux gérés en classant les marchandis­es en fonction des impératifs du marché, selon des catégories spécifique­s élaborées par une machine. Très clairement, une IA au service de l’homme. Mais pas que…

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