La Tribune Hebdomadaire

Squadron 303, la vodka aéronautiq­ue

SUCCESS-STORY Franck Botbol et Hughes Cholet, anciens publicitai­res, ont imaginé, créé puis lancé la vodka Squadron 303, qui rend hommage aux pilotes polonais de cet escadron héros de la bataille d’Angleterre.

- PATRICK CAPPELLI

Lors de la bataille d’Angleterre (de juillet à octobre 1940), des pilotes de toute l’Europe sont venus prêter main-forte à la Royal Air Force (RAF). Parmi eux, les Polonais du Squadron 303, détenteurs du score le plus élevé d’avions allemands abattus au-dessus de Londres. Des aviateurs émérites également amateurs de vodka, qu’ils distillaie­nt dans une marmite avec quelques pommes de terre. De cette histoire d’héroïsme et d’alcool fort est née la vodka Squadron 303, imaginée puis produite et commercial­isée par Franck Botbol et Hughes Cholez, deux anciens publicitai­res. Franck Botbol, 45 ans, est arrivé à Paris à 15 ans avec sa valise pour travailler au Studio de la Grande Armée. Le natif d’Amiens se fait embaucher au culot et apprend le métier du son. Il devient ensuite producteur puis directeur artistique à 18 ans. En 2000, il monte sa société de production, Milk.

RENCONTRE ENTRE DEUX TALENTS CRÉATIFS

C’est à cette époque qu’il rencontre Hughes Cholez, qui a fait math sup, math spé puis de la recherche fondamenta­le. En 1995, ce dernier fait son service militaire au centre de recherche de France Télécom à Issy-les-Moulineaux et assiste aux premiers tests de l’Internet grand public. Une révélation : « C’est ce que je veux faire, ça va exploser » , pense le jeune scientifiq­ue. À 21 ans, il commence à créer des sites Web dans sa cave puis se fait débaucher par peoplesoun­d.com, un site musical qui vendait des fichiers MP3 d’artistes non signés par des maisons de disques. Il rejoint ensuite l’ agence média MediaEdge du groupe WPP et découvre le marketing viral. « Je reçois alors un fichier audio qui me dit “Nardine

bebek” (maudite soit la religion de ton père) d’une voix grave. Une injure suivie de ce commentair­e : “Vous venez de vous faire insulter par Brigitte Fontaine.” Je remonte à la source et je découvre que l’expéditeur est Milk », évoque le fan absolu des Monty Python.

C’est le début d’une associatio­n avec Franck Botbol qui dure encore. Leur première campagne de pub pour la Française des Jeux est un clip musical iconoclast­e intitulé Sauvons les

riches. En 2007, ils fondent l’agence de publicité Arthur Schlovsky. Un concept créé de toutes pièces avec un faux documentai­re sur la vie du (faux) fondateur, une fausse conférence de presse animée par un faux journalist­e, bref un canular qui illustre leur talent créatif. En 2011, le duo rencontre Jean-Marie Dru, célèbre publicitai­re « disrupteur » de TBWA. Un an plus tard, les deux complices intègrent l’agence comme directeurs généraux. Cinq ans durant, ils produisent des campagnes décalées, gagnent des récompense­s... puis commencent à s’ennuyer. « L’arrivée des réseaux sociaux a tué la créativité au profit d’une logique d’audience », regrette Hughes Cholez.

SIGNES DU DESTIN

Franck Botbol, passionné d’aviation et collection­neur de carnets de vol, découvre alors l’histoire des Polonais de la RAF. Il en parle à Hughes Cholez, fils de pilote et d’hôtesse de l’air d’Air France, et amateur de vodka.

La découverte en 2015 de la flasque du commandant de l’escadrille 303 marque le lancement de l’aventure. Baptiste Massé, spécialist­e du design 3D, dessine un flacon inspiré de l’original. Quant à Alain Camagie, beau-frère de Franck Botbol et coprésiden­t de la Compagnie des Desserts, c’est un industriel de la pâtisserie. Lors de la visite d’une distilleri­e à Chambéry, Franck et son beau-frère cherchent avant de se garer sur… la place 303 du parking#! Un signe du destin (ou pas, pour le cartésien sceptique Hughes Cholez).

Le 30.3.2016 (évidemment), le quatuor réunit 300#000 euros en contractan­t des prêts à la consommati­on pour lancer

leur société. « Nous voulions faire notre propre jus en intégrant les contrainte­s historique­s : pomme de terre King Edward comme ingrédient, un distillate­ur anglais ancien professeur de chimie de Cambridge, une distillati­on unique non filtrée », décrit Franck Botbol.

Lâché par un verrier français sur un salon profession­nel, Franck et son beau-frère, un peu déprimés, se rendent sur

le stand d’une verrerie allemande. Le représenta­nt français leur propose de fabriquer la flasque dans le nord de l’Angleterre. « Le patron de l’usine nous a envoyé un mail qui disait “mon père était pilote de la RAF et tous les ouvriers sont polonais” » , raconte Franck Botbol, qui est reçu comme une star par les ouvriers très émus que des Français rendent ainsi hommage à leurs ancêtres avec cette vodka « distillée en Angleterre

par des héros polonais » . C’est la maison Dugas, spécialisé­e dans le rhum, qui accepte de les distribuer. Trois ans plus tard, les ex-publicitai­res ont vendu 50#000 bouteilles de leur vodka haut de gamme (16 € la bouteille de 10 cl, 47 € pour 70 cl) dans le circuit des cavistes indépendan­ts et sur les événements aéronautiq­ues. Après une première levée de fonds de 50#000 euros en 2018, ils en font une seconde de 500#000 euros. Séduit par le concept, Laurent Dassault, patron de l’avionneur français et amateur de vodka, a participé à la seconde levée de 500#000 euros pour soutenir « la seule vodka aéronautiq­ue au monde » vendue dans dix pays européens et bientôt aux États-Unis. n

« Le patron de l’usine allemande nous a écrit : “Mon père était pilote de la RAF et tous les ouvriers sont polonais” »

FRANCK BOTBOL,

PRÉSIDENT DE SQUADRON 303 VODKA

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France