Plus d’avions, moins de pollution : c’est possible !
TRANSPORTS Alors que la pression monte pour qu’elles agissent contre le réchauffement, les compagnies aériennes réitèrent leur engagement de réduire leurs émissions de CO2 de moitié d’ici à 2050 par rapport à 2005.
Des aéroports en sous-capacité, un ciel embouteillé, des pilotes et des contrôleurs aériens en nombre insuffisant, une menace terroriste accrue, des protectionnismes qui montent en puissance… les obstacles à la croissance du transport aérien sont nombreux. Mais c’est bien la réduction significative de son empreinte carbone pour espérer arriver un jour à une aviation totalement « green », qui constitue le plus grand défi de l’aviation pour les prochaines années et décennies.
« Avec la sécurité des vols, c’est aujourd’hui notre
plus grande priorité », admet Alexandre de Juniac, le directeur général de l’Association internationale du transport aérien (Iata). Car la pression sociale s’accentue chaque jour davantage sur ce secteur, accusé de ne pas prendre sa part dans la lutte contre le réchauffement climatique.Notamment en Europe, où ce sentiment ne cesse de se développer, comme l’a montré la progression des partis écologistes aux dernères élections européennes. Les appels à la taxation du kérosène et au remplacement de l’avion par le train sur les trajets les plus courts, se multiplient, quand ils ne poussent pas à ne plus voyager en avion, comme le demande le mouvement né sur Instagram Flygskam, ou #hontedeprendrelavion, en Français. Parti de Suède, ce mou
vement inquiète les compagnies aériennes, qui craignent que cet appel au boycott ne se diffuse dans d’autres régions du globe et ne séduise les jeunes générations, sensibles pour une partie d’entre elles au discours radical de l’adolescente suédoise Greta Thunberg. La nouvelle égérie des écologiques refuse ainsi de prendre l’avion, même pour traverser l’Atlantique.
Cette offensive écologiste contre un transport polluant se double en France d’une attaque sociologique contre un « transport de riches », dont l’absence de taxes sur le kérosène symbolise à leurs yeux l’injustice fiscale qui accompagne la transition énergétique dans l’Hexagone. La taxation de ce carburant a été l’une des revendications fortes du Grand débat national qui a suivi la révolte des « gilets jaunes ». Plus que jamais, l’aviation divise. Son rôle dans la lutte contre le changement climatique suscite des crises passionnées, au point de passer sous silence son utilité pour le développement économique, l’emploi, l’aménagement des territoires et le rapprochement entre les peuples. Dénigré parfois par un flot de « fake news » alimentées par ses détracteurs, le transport aérien est accusé d’être l’un des principaux responsables du réchauffement climatique, et surtout de ne rien faire pour y remédier. Il ne représente pourtant que 2 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone (et 12 % du secteur des transports), et la diminution de
« D’ici dix à quinze ans, le recours aux biocarburants sera incontournable.
Il y a encore une “Vallée de la Mort” assez longue à traverser »
PHILIPPE MARCHAND,
CONSEILLER DE LA COMMISSION EUROPÉENNE SUR LES QUESTIONS DE BIOCARBURANTS
moitié de la consommation de carburant par passager depuis 1990 témoigne des efforts qui ont été menés pour améliorer l’efficacité énergétique des avions, dont certains, comme l’A321LR, consomment moins de 2 litres aux 100 kilomètres par passager.
Mais la croissance vertigineuse du trafic aérien est telle que le volume d’émissions de CO2 continue de progresser fortement. Entre 2005 et 2018, les émissions de dioxyde de carbone ont en effet augmenté de 39 % selon l’Iata. Selon une étude du Boston Consulting Group (BCG), si rien n’est fait, elles devraient doubler d’ici à 2040. Selon la Commission européenne, qui cite l’organisation internationale de l’aviation civile (OACI), l’entité de l’ONU qui régit le transport aérien, les émissions pourraient augmenter de 300 à 700 % d’ici à 2050 si aucune mesure n’est prise. Une croissance que personne n’acceptera, au moins en Europe.
ÉVITER UNE TAXATION À OUTRANCE
Les compagnies aériennes en ont conscience. Elles ont compris il y a une quinzaine d’années que leur droit de croître allait très vite être conditionné à une baisse drastique des émissions de CO2. Autrement dit, qu’elles étaient obligées de s’engager dans la lutte contre le réchauffement climatique pour non seulement tenter d’éviter une taxation à outrance qui risquerait de renchérir le prix du billet et casser la croissance du trafic, mais aussi tenter de rendre acceptable tous les investissements aéroportuaires dont elles ont besoin pour se développer. C’est pour cela, que dès 2009, alors rien ne les y obligeaient dans la mesure où le transport aérien ne faisait pas partie du protocole de Kyoto, les compagnies aériennes ont pris collectivement l’engagement, très ambitieux, de stabiliser leurs émissions de carbone à partir de 2020 puis de les diminuer par deux d’ici à 2050 par rapport à 2005. Un objectif compatible, fait valoir l’Iata, avec l’accord de Paris visant à limiter la hausse de la température mondiale en-deçà de 2 degrés par rapport à l’ère préindustrielle. L’engagement est colossal si l’on songe qu’entre ces deux dates le nombre de passagers devrait passer de 2 à 16 milliards environ et que le nombre d’avions dans le ciel aura triplé, à près de 50 000 avions ! La réalisation de cet objectif nécessite d’actionner quatre leviers. Le premier consiste à utiliser des avions de dernière génération, consommant 15 à 20 % de moins de carburant que les avions de la génération précédente. Le deuxième vise à généraliser les mesures opérationnelles efficaces (comme l’amélioration des trajectoires de décollage, l’utilisation d’un seul moteur pendant les phases de roulage sur les aéroports…). Le troisième compte sur la mise en place de systèmes modernes de gestion du contrôle aérien afin d’optimiser les trajets des
« Les compagnies aériennes vont acheter à des planteurs d’arbre le droit d’utiliser le carbone qui sera un jour capté par les arbres »
UN EXPERT AÉRIEN