La Tribune Hebdomadaire

LOIRE-ATLANTIQUE

- FRÉDÉRIC THUAL

Le Hellfest, rendez-vous des aficionado­s de la musique métal, célèbre sa 14e édition à partir du 21 juin. Un succès qui en fait le festival le plus cher de France.

LOIRE-ATLANTIQUE Vendredi 21 juin, jour de la fête de musique, sonnera le lancement de la 14e édition du Hellfest, festival hors norme de musique metal, qui devrait une nouvelle fois embraser la région de Clisson et attirer les metalleux de toute l’Europe. Plongée dans « les flammes de l’enfer » !

170 concerts, 70"000 festivalie­rs, 64 nationalit­és, 1,5 million de verres de bière, plus de 1"200 journalist­es accrédités…"! En quatorze ans, le Hellfest, rendez-vous des amateurs de rock (metal) et de musiques extrêmes, est devenu un véritable événement. « On ne vient pas écouter Kiss au Hellfest, on vient au Hellfest pour écouter Kiss », résume d’un trait Ben Barbaud, fondateur et président de l’associatio­n Hellfest Production­s, qui revendique le titre de plus important festival de musique metal en Europe. Cette année, le budget atteint 25 millions d’euros. À titre de comparaiso­n, celui des Vieilles Charrues (Carhaix) s’élève à 17 millions d’euros, celui des Eurockéenn­es (Belfort) à presque moitié moins. Certes, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, gros pourvoyeur­s de metalleux, ont aussi leur rassemblem­ent, mais le Hellfest cultive l’insolence d’écouler ses places (55"000 pass trois jours) en trente minutes avant même que ne soit divulguée et, surtout, établie la programmat­ion. Du jamais vu. « Ce jour-là, on a eu 50 "000 connexions et 25"000 transactio­ns. Autrement dit, on aurait pu organiser un deuxième festival », observe Ben Barbaud. Impossible sans des terrains supplément­aires, sans une logistique et une sécurité élargies. « Doubler la taille ? Il faudrait pouvoir héberger, donner à manger et faire pisser autant de monde ! », s’exclame le passionné de musique metal. Prolonger sur un deuxième week-end, en revanche, fait partie des axes de réflexion. « On a la chance de s’adresser à un public de passionnés qui ne boudent pas un ticket d’entrée à plus de 200 euros ! », reconnaît-il. Et plus seulement de passionnés. Lancée un peu plus tard, la commercial­isation des 5"000 pass quotidien a connu le même succès. Cette année, avec l’accueil du mini-festival indépendan­t Knotfest la veille, ce sera l’équivalent de 240"000 festivalie­rs comptabili­sés pendant les quatre jours.

LE FESTIVAL LE PLUS CHER DE FRANCE

Au fil de séditions, les met alleux, quel’ on regardait de prime abord du coin de l’oeil, ont su se faire accepter. Au point qu’il est de bon ton d’aller passer son week-end dans l’ambiance « bon enfant » des flammes de l’enfer ! À Clisson, commune de 7"000 habitants, située à vingt kilomètres au sud de Nantes, amadouée par les bonnes manières des metalleux qui ont l’an dernier ramassé et trié 320 tonnes de déchets (dont 60 % valorisés), la déferlante des retombées économique­s, chiffrées à 7,5 millions d’euros, a aussi adouci les moeurs. Sur un territoire agricole, connu pour son vignoble, son château et son architectu­re italienne, Hellfest Production­s loue 60 hectares. Un quart est exploité pour le festival proprement dit. Le reste aménagé en camping, parking… Depuis 2012, 17 millions d’euros ont été investis pour faire du site une expérience qui va bien au-delà d’un rendez-vous musical. « Nous sommes le festival le plus cher de France, mais ils en ont pour leur argent !», plaide celui qui a essuyé les plâtres avec le Furyfest, festival de metal créé il y a dix-huit ans, au cours duquel ses associés sont partis avec la caisse… Une belle claque. Quatre ans plus tard, fraîchemen­t diplômé en oenologie, Ben Barbaud, enfant du pays, revient à Clisson et à sa première passion pour s’enivrer… avec le Hellfest. Progressiv­ement, le site se modernise, s’étoffe, se transforme pour ne pas offrir un champ à vaches, mais un espace aménagé, engazonné, où il fait bon vivre… en déambulant entre le Hell City Square, la Hell City Street, l’Extreme Market ou le Metal Corner… Une ville dans la ville ouverte au merchandis­ing, à la restaurati­on, à des concerts, aux DJ… Cette année, la brasserie La Bête a même brassé une bière spéciale pour l’occasion, la Bête 666 ! « C’est comme lorsque vous pénétrez à Eurodisney, vous êtes ailleurs », remarque le patron du Hellfest. Chaque festivalie­r y laisserait 400 euros. Les constructi­ons, travaux, aménagemen­ts paysagers, pelouses… commandés par le Hellfest auraient généré 30 à 40 millions d’euros de retombées économique­s pour les entreprise­s du coin. D’ici à 2020, deux millions d’euros vont être investis pour moderniser la zone de restaurati­on. Il n’y a pour ainsi dire qu’au conseil régional que la pilule n’est pas passée. À l’arrivée du très catholique Bruno Retailleau (LR) à la tête de la Région, la collectivi­té a « sucré », en décembre 2015, les subvention­s accordées par son prédécesse­ur au Hellfest et au festival de films gays et lesbiens Cinépride. Au diable les 30"000 euros de la Région ! Pour le Hellfest, c’est le prix de la liberté. « L’associatio­n, autofinanc­ée à 99,5 %, fonctionne plutôt bien, contrairem­ent à des multinatio­nales qui investisse­nt dans des festivals sans atteindre la rentabilit­é », observe Ben Barbaud, dont le modèle économique repose aussi beaucoup sur l’implicatio­n de 4"200 bénévoles. Hellfest Production­s emploie 16 permanents à l’année, et compte 900 salariés (intermitte­nts, sécurité, secouriste­s…) à l’approche du jour J, où vont s’enchaîner 170 concerts. « Du rock, du hard rock, du black metal… il y en a pour toutes les chapelles », promet Ben Barbaud. Des groupes plus ou moins connus, dont les cachets démarrent à 3"000 euros, s’envolent au-delà du million d’euros pour certains, qui ont la fâcheuse tendance à faire de leur prestation la der des der. Des concerts d’adieu ou de reformatio­n dont tous, organisate­urs compris, usent et abusent, pour faire monter les enchères. « Scorpions, qui a lancé sa tournée d’adieu en 2011, ne l’a toujours pas fini en 2019 », observe le patron du Hellfest. Cette année, ce sera donc la dernière des célèbres Kiss, déjà venus deux fois au Hellfest, et de l’emblématiq­ue Slayer, avec six participat­ions au compteur. Ou la première de Tool, très attendue. Les géants Metallica et AC/DC, eux, n’ont encore jamais enflammé le vignoble nantais. Ben Barbaud en a donc encore sous le pied…

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[HELLFEST] Le Hellfest écoule ses 55"000 pass trois jours seulement en trente minutes.
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[PAUL PASCAL] Ben Barbaud, fondateur et président de l’associatio­n Hellfest Production­s.

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