“Sébastien Vauxion On a des biscuits de Savoie à la place du pain, une crème ricotta vanillée à la place du beurre…"
Après un parcours brillant chez Pierre Hermé, au Meurice et chez Pierre Gagnaire, le chef pâtissier Sébastien Vauxion est à la tête d’un restaurant tout en desserts, le Sarkara à Courchevel. Un fascinant Ovni culinaire, couronné de deux étoiles au guide Michelin.
Le Sarkara ne sert que des desserts, sans être un salon de thé. Quelle différence ? Sébastien Vauxion : J’ai repris tout ce qui caractérise un restaurant gastronomique, chaque étape du service, le pain sur la table, les verres à vin, et je l’ai transposé dans mon univers pâtissier. On a des biscuits de Savoie à la place du pain, une crème ricotta légèrement vanillée à la place du beurre… À moi de créer des desserts qui ont un sens en entrée, plat principal, fromage et dessert.
Concrètement, à quoi ressemble votre menu ? S. V. : Il n’y a aucun produit carné. Pour l’entrée, je joue sur le froid, les fruits et légumes, les crudités, avec des vinaigrettes, des choses assez incisives, vives. Les plats principaux doivent en revanche être chauds, surtout ici à la montagne. Aujourd’hui, on a des petites ravioles de haricot coco à la réglisse avec des fruits de la passion ; l’année dernière on avait un oignon blanc cuit dans un jus de sureau vanillé au laurier, et un sorbet poire versé au milieu. Le fromage, ce n’est pas compliqué à pâtisser, et les desserts, c’est ce que je sais faire !
R.: Et côté boissons? S. V. : Les thés sont nos meilleurs partenaires : ils sont riches et complexes en goût, mais n’alourdissent pas le palais et l’allègent même, gardant les papilles en éveil. Je crée aussi des plats pour aller avec des vins, du saké… Et j’ai retravaillé le chocolat chaud : on a l’intensité du café expresso, mais en chocolat – sans lourdeur, pour ne pas plomber la fin du repas. Vous faites des desserts avec toutes sortes de légumes; y en a-t-il un qui vous résiste ? S. V. : Le poireau. Pourtant je l’ai fait une fois, il y a longtemps. Quand j’ai commencé mon CAP et planté mon bac S, mes parents, maraîchers, voulaient que je fasse des maths et non de la pâtisserie ; ils m’en ont fait baver, surtout mon père, pendant cet été à bosser avec lui. On passait des journées à arracher du poireau – le petit bonheur, c’étaient les fraises des bois dans le champ d’à côté. On les mangeait avec les mains qui sentaient le poireau et je leur ai dit : « Vous verrez, un jour je vous ferai un dessert poireau-fraises des bois ! ». Je le leur ai fait chez Gagnaire. Et ça leur a plu ! ■
ET UN DESSERT EN GUISE DE DESSERT…
La Vanille-Végétal de Sébastien Vauxion : « une crème d’herbes maraîchères, un sorbet kiwi à la vanille de Tahiti, des tuiles de chlorophylle avec quelques feuilles fraîches et des grains de sucre acidifiés », précise le chef. C’est vif, acidulé, doux et onctueux à la fois. Dans le cadre d’un déjeuner 100 % pâtissier, est-ce une entrée ? « Perdu, répond le chef, c’est un dessert ! » Et on n’en doute plus quand on le goûte en fin de repas : la progression du menu du Sarkara, pensée avec beaucoup de finesse et d’intelligence, est une expérience délicieusement troublante mais toujours cohérente.