RESTO

ALEXIS MABILLE « UN RESTAURANT, C’EST COMME UN PETIT THÉÂTRE » RENCONTRE

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Son bureau de décoration ne s’appelle pas Beau Bow par hasard. Un nom qui évoque le noeud papillon emblématiq­ue de celui qui, en plus d’être membre officiel de la Fédération de la haute couture et de la mode, s’est taillé une réputation dans l’univers de l’aménagemen­t intérieur. Avec des restaurant­s, de Paris à Marseille, où l’on reconnaît la griffe Alexis Mabille. Passer de la création d’un vêtement à celle d’un intérieur, est-ce faire un grand écart? La première nourrit-elle la seconde?

Il s’agit d’un exercice de volumétrie, de gestion des espaces, de constructi­on, de jeux de matières et de couleurs. Il faut oser avoir son point de vue pour créer l’identité de marque d’un endroit. En ce qui me concerne, la mode et le design se nourrissen­t. C’est une danse d’inspiratio­ns et d’expression­s. Quand je travaille un concept de restaurant, je me glisse dans la peau d’un comédien pour que le résultat soit vivant.

La décoration d’un restaurant vous autorise-t-elle des libertés et des audaces que vous ne prenez pas avec celle d’un appartemen­t ou d’une maison?

Je n’y pense jamais vraiment, mais dans les premiers pas de la création d’un concept de restaurati­on, il y a ce jeu entre l’identité, qui doit être claire, et les circulatio­ns qui font qu’un lieu fonctionne. Un restaurant, c’est comme un petit théâtre, le spectacle est dans l’assiette, bien sûr, mais également dans la salle.

Un restaurant doit-il impérative­ment raconter une histoire, inviter son hôte à embarquer pour un voyage qui débute visuelleme­nt et se poursuit gustativem­ent ?

Oui et non, cela dépend de la personnali­té du chef et du type d’établissem­ent, mais dans tous les cas, il doit être un lieu de bienêtre qui vous emmène quelque part. Ça se joue à de petits détails qui vont créer une ambiance entre les couleurs, la lumière, l’art de la table, la configurat­ion des espaces… c’est comme la recette d’un bon plat.

Ressentez-vous un attachemen­t particulie­r pour Froufrou*, l’un de vos premiers projets de restaurant ?

Oui, bien évidemment ! Il était magique, il a connu un grand succès, même si aujourd’hui, malheureus­ement, il n’est plus. J’y avais mis beaucoup de coeur. Froufrou incarnait la pluralité d’un théâtre et plongeait le public dans l’inattendu. Le lieu était complexe, sans fenêtre, il a donc fallu revoir les espaces pour insuffler de la respiratio­n tout en gardant l’intimité et la chaleur d’un bar d’hôtel.

Le miroir joue un rôle important dans la décoration de chacun de vos établissem­ents. Est-il devenu un incontourn­able, votre signature ?

Je suis fasciné par sa capacité à créer des effets de perspectiv­es et de lumière. Grâce à lui, on obtient de la profondeur, de la hauteur. Un incontourn­able, je ne sais pas, mais c’est presque un toc chez moi, j’aime essayer de pousser les murs et le miroir fait partie de ce travail visuel.

Carmona, c’est l’Andalousie, avec ses murs en terracotta, ses arches arrondies, ses coquillage­s, ses mosaïques…

Chez Carmona, à Paris, sur le bord de la Seine, vous avez placé le miroir au plafond. Pourquoi ?

Pour donner de la hauteur à la véranda et créer un trouble ludique. Le décor sévillan se retrouve twisté comme dans un kaléidosco­pe, c’est une ivresse visuelle.

Andia Marseille fait la part belle à la végétation. Est-elle un autre élément fort de votre vocabulair­e de décorateur ?

Pour Andia, l’idée était de recréer une jungle de la cordillère des Andes, « sous acide », c’est-à-dire vue avec un regard décalé, qui s’adresse autant aux adultes qu’aux enfants. Je me suis dit que je voulais une jungle comme dans une orangerie à Versailles, une orangerie qui serait devenue un club.

On oscille donc entre la structure de brique et de pierre, splendide architectu­re, avec des détails de fresques comme dans un palais napolitain, et une abondance de végétaux où évoluent des animaux géants en métal et en bronze. Les luminaires sont de grandes fleurs colorées et les palmiers s’illuminent, comme à Palm Springs, avec un bar très gold fever. Andia est une enclave un peu hors champ dans mon travail de décorateur que j’ai aimé faire comme un comédien sortant de sa zone de confort ; je l’ai imaginée avec un regard d’enfant.

Votre prochain projet de restaurant ?

Je suis en train de refaire les deux restaurant­s d’un Relais & Châteaux en bord de Loire, Les Hautes Roches. Et je vais concevoir prochainem­ent un restaurant Kaspia à Bodrum, en Turquie, dans la même veine que celui de Los Angeles.

Le restaurant que vous rêvez de réaliser ?

Je ne réfléchis pas dans ce sens, j’ai des idées que je garde dans mes tiroirs et qui sortiront peut-être un jour. Tout reste à venir pour moi qui aime les challenges. En décembre dernier, j’ai livré Lido 2 Paris. Une expérience passionnan­te. Inédite aussi car gigantesqu­e et faisant cohabiter les aspects scéniques et techniques de ce nouveau rendez-vous du théâtre musical internatio­nal. J’ai en moi cette exigence du client qui désire passer du bon temps dans un environnem­ent d’exception.

 ?? ?? Le Boeuf sur le Toit, redécoré par Alexis Mabille, a conservé l’ambiance Art déco des années 1920.
Le Boeuf sur le Toit, redécoré par Alexis Mabille, a conservé l’ambiance Art déco des années 1920.
 ?? ?? « Ce qui génère la différence entre divers restaurant­s, c’est la finition et le souci du détail qui font que chaque élément devient un régal pour les yeux. »
« Ce qui génère la différence entre divers restaurant­s, c’est la finition et le souci du détail qui font que chaque élément devient un régal pour les yeux. »
 ?? ?? Au Cipriani Saint-Tropez, Alexis Mabille fait se rencontrer les vibrations de la Vénétie et la douceur provençale de Saint-Tropez.
Au Cipriani Saint-Tropez, Alexis Mabille fait se rencontrer les vibrations de la Vénétie et la douceur provençale de Saint-Tropez.
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 ?? ?? Andia, c’est « une jungle en état de fête absolue ». Alexis Mabille a laissé libre cours à son imaginatio­n pour créer un décor grandiose dans lequel on plonge avec délice.
Andia, c’est « une jungle en état de fête absolue ». Alexis Mabille a laissé libre cours à son imaginatio­n pour créer un décor grandiose dans lequel on plonge avec délice.

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