Skieur Magazine

/ SPOT: LE CHAZELET

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L'AUTRE GRAVE.

LA MEIJE AGIT COMME UN AIMANT, ATTIRANT TOUS LES REGARDS, LES ENVIES ET LES RÊVES DES SKIEURS DE LA RÉGION DE LA GRAVE. POURTANT, LA FAMEUSE COMMUNE DES HAUTES-ALPES POSSÈDE UN AUTRE DOMAINE QUI, SANS ÊTRE COMPARABLE À CE QUE PEUT PROPOSER LA TÉLÉCABINE MYTHIQUE, A L’AVANTAGE D’ÊTRE FAMILIAL, ENSOLEILLÉ ET BIENVEILLA­NT: LE CHAZELET.

Bruno Garban se gave de poudre côté Emparis sur fond de Meije alors

que les Vallons sont bien tracés !

Situé sur les hauteurs de La Grave, le domaine du Chazelet nécessite néanmoins de rouler une grosse dizaine de minutes depuis le parking du télé où il fait bon se montrer pour rejoindre le soleil et les alpages au profil moins abrupt. Le village s’avère à la fois typique et préservé alors que le paysage ouvert donne l’impression que l’on va enfin pouvoir respirer. Il faut dire que la vallée de la Romanche, en plein hiver, n’est pas l’archétype de ce que l’on peut appeler un petit paradis : sombre et encaissée, parcourue par une route fréquentée, avec une perpétuell­e inversion de températur­e qui bloque bien les particules fines. Bref, une vallée… À partir de mi-février pour les optimistes et plutôt début mars pour les réalistes qui n’aiment pas skier sans voir le relief, l’ambiance change, le soleil arrosant davantage La Grave. Les Vallons et la combe de Chancel reprennent des couleurs et lorsqu’on se dirige vers la Meije, on n’a moins l’impression de tourner le dos au soleil. La question ne se pose pas au Chazelet logé plus haut, à 1800 mètres d’altitude. Il manque quelques dizaines de mètres à la Meije pour noyer d’ombre les contrefort­s du plateau d’Emparis et même à Noël, le soleil rase les arêtes de la reine Meije sans jamais se cacher derrière.

LE SPOT

Le Chazelet est loin d’être un domaine majeur, du moins dans le sens que l’entendent les tour-opérateurs qui ne se fient qu’aux kilomètres de pistes. Ici, deux téléskis se battent en duel, un sur chaque versant, relié par un télésiège évidemment pas débrayable. Le reste des équipement­s n’est que peccadille de débutant. Ce qui fait l’intérêt des lieux, c’est que pour le prix du forfait journée, c’est-à-dire 15,50 euros, le Chazelet offre un paysage spectacula­ire et

« CHAQUE VALLON SEMBLE ATTENDRE D’ÊTRE RIDÉ, CHAQUE SOMMET RÉVEILLE

DES FANTASMES DE POUDREUSE ET DE PREMIÈRES TRACES. »

la possibilit­é pour toute la famille de s’amuser, du ski de piste vert-bleu-rouge au sympathiqu­e hors-piste dans les vallons et combes descendant côté plateau d’Emparis, en passant par un vaste domaine accessible en peau de phoque. En prime, le peu de fréquentat­ion fait qu’il est encore possible d’ouvrir sur les pistes sans faire la queue aux remontées. Bref, on s’amuse, on en profite quelques heures et si l’envie se fait sentir, on passe une journée en face pour s’offrir des runs d’envergure. Si on rajoute au tableau un restaurant qui vaut ce qu’il vaut mais où il fait bon se caler, une école de ski à taille humaine où il fait bon laisser ses enfants, on obtient un package tout à fait compétitif, en rupture avec les grands ensembles bétonnés qui, s’ils ont bien des avantages, ont également bien des inconvénie­nts. Encore faut-il savoir ce qu’on veut : petit domaine avec forfait à petit prix et dépaysemen­t en montagne ou grand domaine avec boîte de nuit et ambiance urbaine ? Il n’y a pas un

modèle de station qui l’emporte sur l’autre mais le Chazelet, comme d’autres domaines de ce type, propose autre chose, une vision différente de la glisse, plus apaisée, plus nature et moins stressante. À chacun de se positionne­r en fonction de ses propres désirs ou contrainte­s… La différence ici s’incarne dans la beauté du paysage, omniprésen­t : au sud, les impression­nantes faces nord de la Meije et du Râteau, au nord, la neige à perte de vue couvrant des sommets ronds, débonnaire­s mais alléchants, sans jamais qu’un pylône ou qu’une bâtisse - à l’exception des bergeries - ne viennent briser la ligne d’horizon. Superbe et apaisant. Inspirant aussi. Chaque vallon semble attendre d’être ridé, chaque sommet réveille des fantasmes de poudreuse et de premières traces. En fait, cette attraction tient évidemment à la beauté des lieux mais aussi à sa topographi­e : formes douces qui invitent à la balade, dénivelé humain (de cinq cents à huit cents mètres max pour les runs alentour) qui ne rebute pas mais attise la curiosité, solitude du sommet vierge qui demeure la base de l’alpinisme et du ski hors-piste. Bref, sur ce domaine limité, on peut passer du temps sans être frustré, même lorsqu’on est bon skieur. Les deux téléskis desservant des crêtes éloignées l’une de l’autre, ouvrant principale­ment sur des pentes orientées est pour le téléski d’Emparis et nord pour celui des Plagnes, élargissen­t de fait l’espace skiable. Peu de remontées, certes, mais disposées sur des montagnes différente­s qui s’étalent sur

« PEU DE REMONTÉES, CERTES, MAIS

DISPOSÉES SUR DES MONTAGNES DIFFÉRENTE­S QUI S’ÉTALENT SUR UNE SURFACE QUI NE LAISSE AUCUNE CHANCE À LA CLAUSTROPH­OBIE. »

une surface qui ne laisse aucune chance à la claustroph­obie. En freerando, c’est un petit paradis pour s’initier à l’usage des peaux, à la lecture d’itinéraire­s et aux subtilités du manteau neigeux, la neige ayant hélas la mauvaise habitude dans cette contrée proche du col du Lautaret, de tomber à l’horizontal­e. Trois options s’offrent à vous, ouvrant une multitude de runs plus ou moins jouables en fonction des conditions : le vent venant souvent nord-ouest, il a tout le loisir d’accélérer et de se charger en neige sur le plateau d’Emparis pour créer de beaux modèles d’exposition de plaques friables (à vent). Les départs sont donc à étudier avec attention car c’est dans les premières dizaines de mètres que ça se joue. Quoi qu’il en soit, ne jamais jumper directemen­t dans les combes et toujours les contourner par les épaules avant si possible, de rentrer dans le coeur du sujet où logiquemen­t la poudreuse s’est accumulée avec bonheur. Il s’agit également d’être vigilant car dans ces combes, des torrents plus ou moins vivaces l’été, viennent parfois mourir dans des fonds de vallée étroits ce qui, en cas d’avalanche, signifie la même chose pour vous, que l’on puisse vous localiser ou pas. Comme dit l’adage : « Dix mètres sur le dos, six pieds sous terre… » La question n’est donc pas que celle du risque de déclenchem­ent d’une avalanche mais des conséquenc­es qui dépendent d’une bonne dose de chance (et de la malchance), mais surtout du terrain alentour : arbres, trous, torrents… Vigilance et intelligen­ce, comme toujours.

Au Chazelet, les multiples combes descendant du plateau

d'Emparis (Serre Bernard) offrent un large terrain de jeu de difficulté variable, soit par gravité ou en marchant un peu

(beaucoup) selon...

DES RUNS ENGAGÉS

Du sommet du téléski d’Emparis, le plus simple est d’accéder au sommet de Serre Bernard pour, depuis ses 2350 mètres d’altitude, rejoindre par divers itinéraire­s en fonction des conditions, le chemin ramenant au pied du téléski. Plus loin, le Petit Têt, à 2535 mètres, demande une petite heure de marche pour ouvrir ses runs plus engagés, qui exigent une certaine expérience pour repérer la bonne entrée dans ce dédale de corniches dominant des barres rocheuses pas énormes mais suffisante­s pour ne pas être accueillan­tes. On skie plutôt vers le nord, sous le Grand Têt, encore un peu plus loin. Les purs randonneur­s font les yeux doux au pic du Mas de la Grave (3020 mètres), au bout de la ligne de crêtes, qui offre de belles descentes mais un retour au parking un peu laborieux. De l’autre côté, le téléski des Plagnes ouvre la crête menant au Signal de la Grave, à 2446 mètres, d’où l’on peut basculer à peu près tout le temps côté nord, mais aussi côté sud pour peu qu’on ait laissé une voiture (ou bien calculé le passage du bus-navette) dans les hameaux de Ventelon, des Hières, voire même de Valfroide. Attention, ces pentes plein sud ne se skient pas systématiq­uement et il s’agit de bien observer les conditions avant de basculer dans ces cinq cents mètres de dénivelé face à la Meije. Autre destinatio­n classique,

Page de droite, à La Grave, chacun peut faire du hors-piste à son niveau, du ski extrême en couloir où la chute est proscrite à la douce épaule du Chazelet.

sans besoin de forfait, l’arête montant vers la Petite Buffe (2683 mètres et deux heures et demie), qui se poursuit autant que votre souffle peut vous porter, ouvre là aussi une série de hors-pistes plus ou moins engagés en fonction des conditions, c’est-à-dire en fonction des pentes exploitabl­es. C’est beau, perdu et panoramiqu­e, avec au pire un run sans risque sur une épaule qui meurt dans un fond de torrent avant de rejoindre le chemin reliant les hameaux des Rivets, seul court passage où la méfiance est vraiment de mise.

LA FAMILLE

L’endroit est un havre de paix pour les familles puisque chacun s’y retrouve. Le jardin d’enfants donne envie, les moniteurs suffisamme­nt cool pour comprendre que l’on puisse avoir dix minutes de retard pour récupérer sa marmaille, et la terrasse du restaurant pas désagréabl­e car simple et sans chichis. Bref, en incorporan­t une ou deux journées aux Vallons de la Meije (et ses variantes multiples), voilà un endroit singulier, loin des prototypes des grosses stations, mais qui mérite d’être découvert.

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