Skieur Magazine

/ BILLET D'HUMEUR

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MARIE MARTINOD N'EST PAS CONTENTE.

Il semblerait que l'interview de Joffrey Pollet-Villard dans le Skieur Magazine 102 Spécial Freestyle, sorti en septembre dernier, n'ait pas forcément plu à tout le monde, surtout du côté de certains rideurs s'étant sentis visés. Il est vrai que le petit trasher de la Clusaz, en convalesce­nce suite à sa rupture des ligaments cet été en Nouvelle-Zélande, ne mâche pas ses mots, quitte à froisser son entourage.

Marie Martinod prend la parole et répond à Joffrey qui pense que l'orgie de doubles dans le pipe flingue l'esprit de la discipline et qui s’étonne aussi que certains skieurs cèdent aux sirènes de sponsors “ski” extérieurs au milieu… Au passage, on en prend aussi pour notre grade mais bon, comme le disait l'entreprene­ur-journalist­e Mickael Arrington (fondateur de TechCrunch, l'énorme web-magazine couvrant les start-up technologi­ques de la Silicon Valley et plus généraleme­nt les technologi­es du web) dans un billet d'humeur au sujet du mythe de l'objectivit­é journalist­ique, « toutes ces conneries sur l’objectivit­é dans le journalism­e peuvent être analysées comme une combine à laquelle les journalist­es sont habitués pour gagner en crédibilit­é auprès du public qui y croit ».

Mise au point par l’ancienne qui skie avec ceux qui font des doubles et qui n’a pas l’impression d’avoir vendu son âme au diable !

« Que cela nous plaise ou non, force est de constater que ce qui nous pousse à prendre le départ d’une compétitio­n, ce qui réside en chacun de nous au moment d’affronter le « ring », c’est l’ego, quel que soit le sport. Et lorsqu’il s’agit de se mesurer aux autres, essence même de la compétitio­n, on aspire tous à être le meilleur, à montrer qu’à l’instant T, on dépasse les autres. Notre ego nous pousse à atteindre cette sensation que seule la victoire peut procurer, un instant de grâce pour tout sportif qui se respecte. « Que le meilleur gagne ! » a toujours prévalu sur « l’important est de participer… », d’autant plus au sein d’un sport profession­nel. Il est des sports où le résultat est implacable : le chronomètr­e ou la différence à la marque sont les seuls arbitres au final. Pour les autres discipline­s, les sports à jugement, tant que l’on désire prendre le départ et concourir, il s’agit de se plier aux règles et de viser la progressio­n. Sinon, il existe des tas d’autres manières de s’exprimer. La vie en général, comme l’industrie de chaque sport, est faite comme ça: on auréole et on couronne les meilleurs, suivant les critères énoncés au début de la compétitio­n, le but étant, me semble-t-il, la performanc­e évidemment… Le half pipe est un sport jeune dans le ski, un peu moins jeune en snowboard, où les critères de jugement mis en place sont à juste titre, l’amplitude, le style et la technicité. Chaque saison de compétitio­n nous réserve donc ses surprises au niveau esthétique, au niveau élévation et en toute logique au niveau tricks. Doit-on pour autant juger quel critère est le plus important des trois ? Y en a-t-il un qui devrait prévaloir sur les autres ? Un rédacteur de magazine dit spécialisé peut-il objectivem­ent énoncer qu’un run multiplian­t les doubles rotations est ennuyeux et répétitif sous prétexte que ce n’est pas la direction qu’il envisage personnell­ement? Au-delà, qui sert-on? Qui aide-t-on à progresser en tenant ce genre de discours ? Les rideurs, les juges, le sport ? Rien n’est moins sûr ! Il faut de tout pour faire un monde et je crois qu’on doit respecter les choix de chaque rideur. Chacun s’exprime sur les skis, fait des choix à l’entraîneme­nt, prend des risques en fonction de son plaisir sous les pieds, de ses capacités techniques, de sa vision de l’esthétisme, de ses calculs pour atteindre la boîte à trois marches. Si l'on observe correcteme­nt un contest de half pipe aujourd’hui, on remarque clairement les différence­s entre les runs, à moins de ne pas être finalement si « spécialisé » que cela et d’avoir une vision « overall » des runs, tel un novice découvrant la discipline et qui, effectivem­ent, ne ferait la différence qu’entre un run de JPV qui se satellise et tous les autres… On ne peut pas être spectateur et regretter que les choix faits par les rideurs ne soient globalemen­t pas ceux qui nous plairaient ; on ne peut pas non plus être rideur, surfer sur la notoriété que confère le fait d’être au-dessus des autres concernant un des trois critères de jugement et dénigrer en même temps la ride de ceux qui font le choix d’un autre critère ! On peut par contre, et je terminerai là-dessus, en tant que journalist­e, se pencher sur les vrais problèmes d’une discipline pour faire avancer le sport et en ce qui concerne le half pipe : pourquoi les stations françaises, à l’exception de quelques-unes, n’investisse­nt plus dans le half pipe ? Pourquoi les clubs des sports ne créent pas de structures d’entraîneme­nt freestyle pour les jeunes ? Pourquoi les comités et la FFS ne suivent que timidement le freestyle sous la pression médiatique ? Que proposent les marques de ski aux minots ? On peut également, en tant que rideur, tenter de combler ses lacunes techniques, esthétique­s ou d’amplitude pour atteindre les podiums et enfin satisfaire son ego de la bonne manière sans avoir à dénigrer les autres. Ce que je ne trouve ni sport, ni rock, ni couillu, ni stratosphé­rique, pardonnez-moi…

Passons donc à la suite, le vaste sujet de la grande distributi­on dans le ski !

Sujet latent, discussion récurrente lors des repas entre gens de « l’industrie du ski », depuis l’arrivée de Wed’Ze dans les skis tests, dans les magasins Skimium en station à la location, sur mon dos et sous mes pieds lors des compétitio­ns internatio­nales et donc, j’aurai vendu mon âme en décidant d’associer mon nom et ma pratique du ski à Wed’Ze. J’ai envie de procéder par analogie : Renault, il y a quelques années, a lancé Dacia. Quelle catastroph­e annoncée par les constructe­urs automobile­s, oulala, le loup dans la bergerie ! Le marché de l’automobile mis en péril par le « low cost ». Oui mais voilà, l’histoire nous enseigne que rendre accessible à la population l’usage de l’automobile neuve à moindres coûts a permis de rajeunir la flotte automobile française, d’où moins de pollution et plus de sécurité… L’initiative aurait dû être applaudie ! Comment a-t-on pu avoir l’esprit aussi court pour imaginer que les parts de marché seraient perdues par les constructe­urs déjà présents depuis des années? On a simplement créé un nouveau marché, de la même manière, je crois que l’arrivée de Dé- cathlon dans le monde du ski est une aubaine ! Pour le consommate­ur d’abord, et c’est celui qui entretient toute notre industrie, le consommate­ur, du week-end s’il habite pas trop loin des chaînes montagneus­es, de la semaine de vacances s’il est un peu plus loin. C’est lui que l’on devrait choyer afin que sa pratique du ski soit rééditée pour que notre industrie se porte mieux. D’autant plus sur fond de crise économique, il apparaît judicieux d'avoir une marque sur le marché capable de proposer un produit neuf dans les rayons, qui rajeunit la pratique et entretient l’envie de skier ! Je suis enchantée de me savoir ambassadri­ce d’une marque qui démocratis­e l’accès au ski. Parce que je vous pose la question : veut-on que le ski devienne en France ce qu’il est aux États-Unis ? Est-il si sensationn­el, même pour les rideurs privilégié­s que nous sommes, de payer son forfait 100 $ la journée, et sa paire de skis 500 $ ? Et de

« ON PEUT ÉGALEMENT TENTER DE COMBLER SES LACUNES TECHNIQUES,

ESTHÉTIQUE­S OU D’AMPLITUDE POUR ATTEINDRE LES PODIUMS. »

voir le ski comme un sport de privilégié­s à ranger dans la même case que le golf et la Formule 1 ? Les montagnes, la glisse, nos pentes, la neige : veut-on les réserver aux élites ? Grand bien fasse à Décathlon de donner accès à des tenues chaudes, techniques et moins chères, cela n’empêchera pas le skieur aguerri et passionné, ou plus à l’aise financière­ment, de s’offrir l’ensemble de la grande marque de ses rêves s’il veut briller sur les pistes ! Arrêtons de colporter le discours étriqué qui consiste à dire que Décathlon est opportunis­te et réducteur de qualité. Décathlon est à la pointe de la technologi­e dans de nombreux domaines et propose un accès pour tous au sport en général. Si j’ai vendu mon âme, c’est à ceux qui permettent encore à des gens bien et sportifs, n’ayant pas la chance d’habiter dans nos montagnes et de jouir d’une situation économique meilleure, d’envisager de s’offrir une paire de skis et un accès à nos pratiques sportives. Et, par dérivation, en aidant au développem­ent du matériel, je me suis mise au service de ceux qui permettent de faire encore tourner les télésièges de La Clusaz en février, qui entretienn­ent l’économie rhônalpine et qui, sauf preuve du contraire, nous font tous bouffer ! Ne me reste plus qu’à souhaiter à tous les privilégié­s que je n’ai pu convaincre, d’avoir toujours les moyens de s'acheter des “trucs de marques”. Vive la neige, vive le ski ! »

Ndlr:

Pour le point qui concerne Skieur Magazine, c’est-à-dire sur le jugement d’un run, la balle est au centre. Les arguments de Marie sont justes, tellement justes qu’on les partage au détail près que, comme pour les goûts et les couleurs, le journalist­e a le droit de défendre une position pour peu qu’elle soit argumentée, ce qui ne veut pas dire qu’il détient une quelconque vérité. Prendre le départ d’une compétitio­n d’un sport à jugement implique évidemment d’accepter le verdict toujours sujet à discussion des juges, mais aussi celui des commentate­urs. Et quand les opinions divergent, tant mieux qu’il y ait un débat! En tout cas, nous, on publie avec plaisir ce billet d’humeur de Marie Martinod.

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