COMPARER LES STATIONS ?
La chance des stations françaises est la taille de leur domaine skiable, du moins, c’est ce qu’il est couramment admis. En termes d’aménageurs, probablement : plus de surface skiable égale plus de clients et un prix de forfait plus élevé, donc un chiffre d’affaires bien rebondi. Mais au final, pour le consommateur-skieur, quel est le réel avantage de ces hypermarchés du ski, sans que le terme soit péjoratif, à l’heure où les marchés de producteurs et surtout la vente directe chez le producteur sont plébiscités par les urbains-bobos, c’est-à-dire globalement ceux qui ont les moyens de skier ? La perte de vitesse des très grandes surfaces et surtout des discounters, notable dans le milieu de la consommation mais ô combien paradoxale à l’heure où la crise sévit de plus belle, va-t-elle faire tâche d’huile sur les grandes stations françaises ? Peut-on imaginer que les skieurs, fatigués d’être essorés tout au long de l’année, vont préférer se ressourcer dans de plus petits domaines bien tenus, offrant une prestation moins quantitative que qualitative ? Puisqu’on sait que l’offre discount, spécialité des studios cabines des stations des années 70, ne trouve quasiment plus preneur, il n’est pas tout à fait déraisonnable d’imaginer ce scénario qui nous a fait mettre en avant la petite station du Chazelet dans le précédent numéro, trop longtemps dans l’ombre du téléphérique de la Meije alors qu’elles sont complémentaires… Pour l’heure, à l’occasion des dix ans de Paradiski, ce méga-domaine qui réunit la Plagne et les Arcs, autant dire l’addition de la première et de la troisième station la plus visitée au monde, nous faisons le tour de cet extravagant domaine, un peu sur les pistes, beaucoup en hors-piste… Parallèlement, c’est à Cortina d’Ampezzo que nous sommes allés traîner nos spatules pour découvrir le ski dans les Dolomites, la qualité de la préparation des pistes, l’accueil des restaurants d’altitude (et d’ailleurs), la beauté des paysages et des hors-pistes. Autant dire que la comparaison entre les deux domaines est enrichissante : si Cortina est une grande station, elle ne pèse pas grand-chose face aux Arcs et à la Plagne puisqu’il s’agit de trois domaines (deux moyens, un petit), non reliés si ce n’est par une navette, le village étant au coeur du dispositif. Les amateurs du « ski-in, ski-out » pleurent chaque matin, se demandant comment la logique peut parvenir à ce type de fonctionnalité mais au final, lorsqu’on skie sur l’un des secteurs, rien ne manque : la qualité du damage (on a eu peut-être beaucoup de chance), la variété des pistes, leur profil si surprenant, parfois entre des falaises verticales, parfois au milieu de la forêt, sur de larges boulevards ou des pistes vraiment noires mais lissées au treuil chaque jour. Alors quoi ? Il n’est pas question d’opposer ces domaines mais de questionner une logique qui, si elle fonctionne à Paradiski ou aux Portes du Soleil, peut être questionnée ailleurs, non par son apport intrinsèque mais en creux, par ce qu’elle tente de masquer sous le tapis de neige de culture: manque de diversité (les boulevards ressemblent aux boulevards…), manque d’accueil, carence des sociaux-professionnels qui vendent trop souvent trop cher une prestation trop faible, et pour finir, une logique qui pousse à croire que la réussite économique du tourisme de sports d’hiver en France est un acquis, une réalité intangible, un dû… C’est sûrement ce qui explique que depuis des décennies, le ministre du tourisme n’a jamais été un homme (ou une femme) politique majeur bien qu’il s’agisse de la plus puissante industrie du pays. En attendant, les vacances de Pâques à la neige, ce sera pour une autre fois !
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