OBJECTIF : ÊTRE OBJECTIF !
Le meilleur moyen de sortir indemne d’une avalanche est encore de ne pas se faire prendre. Lapalisse n’aurait pas écrit mieux et pourtant, c’est bien la première leçon de cet opus et des témoignages qu’il recèle : sur du plat, dans du raide, débutant ou pro, personne n’est à l’abri mais tous ont eu des signes avant-coureur qu’ils n’ont pas suffisamment pris au sérieux. Décalage entre les conditions observées sur le terrain et la prévision du Bulletin d’estimation des risques d’avalanche émis par Météo-France (particulièrement essentiel depuis que sa nouvelle mouture a été mise en place il y a deux hivers déjà) ; déclenchement de coulée spontanée ; bruit lugubre d’une plaque qui s’affaisse - le fameux « wouff ! » - ou autres signes qui doivent faire renoncer à l’objectif visé, pas forcément pour rentrer directement à la maison mais pour se rabattre sur une pente moins exposée. La récurrence de ces signes annonciateurs est quasiment systématique chez ceux qui, quelques minutes ou quelques heures plus tard, se retrouvent bloqués dans le noir, sans pouvoir bouger, comme compressés par un pack de rugbymen déchaînés, le souffle court, très court… Aucun matériel spécialisé ne permet d’éviter l’avalanche si ce n’est votre bon sens, votre capacité à vous interroger en permanence et à respecter les consignes et… votre bonne étoile. Le matériel offre une sécurité passive même s’il s’agit d’être actif une fois l’avalanche déclenchée ou le secours commencé. Les DVA ont fait tellement de progrès en dix ans que la question n’est plus vraiment de localiser rapidement la victime mais de ne pas perdre trop de temps à la sortir : sonder efficacement, creuser vite et bien, en évacuant la neige de manière logique, sans paniquer. Enfin, encore faut-il avoir un DVA efficace, qui ne passe pas automatiquement en mode émission après quelques minutes (les systèmes récents sont réglés par défaut pour ne pas déclencher le mode sur-avalanche), et que le groupe suive les instructions de celui qui a pris la responsabilité du secours. Bref, suffisamment de paramètres pour que l’expérience sur le terrain n’ait rien à voir avec le gentil exercice que vous avez effectué en début de saison. Et comme le rappelle systématiquement les professionnels de l’ANENA qui n’ont pas été avares en renseignements ni en temps (qu’ils en soient remerciés ici), il ne s’agit pas de se focaliser sur le risque de déclenchement d’une avalanche, mais sur les conséquences qu’elle aura. Parfois, un risque minime n’est pas acceptable. D’autres fois, un risque élevé peut ne pas s’avérer un frein. L’expérience est une sécurité si elle repose sur des vérités, un piège si elle repose sur une plaque friable…