ZERMATT, CERVINIA
LES CLÉS DU MATTERHORN SKI PARADISE
À partir de 1898, année de l’inauguration du train à crémaillère du Gornergrat (3090 mètres), s’est tissé un réseau de remontées mécaniques qui offrent aujourd’hui les plus extraordinaires possibilités de ski pour amateur de grands espaces (de préférence vierges !), et qui dessert également de très belles pistes de ski. On trouve ici à peu près toute la panoplie de remontées mécaniques : de nombreux téléphériques (dont un dépassant en altitude celui de l’aiguille du Midi), un train à crémaillère, un funiculaire, des cabines à six, huit, dix, quinze places, des télésièges débrayables et à pinces fixes, des téléskis à archets, et même des hélicoptères ! Au risque de faire grincer quelques mâchoires, je dirais qu’il y a des superlatifs en Tarentaise qu’on pourrait facilement remettre en question par ici…
UN PEU DE GÉOGRAPHIE…
Le Matterhorn Ski Paradise, surnom que j’ai pris la liberté de donner à cet immense domaine, en référence au Matterhorn Glacier Paradise, appellation de la zone glaciaire, le coeur du domaine, desservie par le téléphérique du Petit Cervin (Klein Matterhorn, 3883 mètres), est donc à cheval sur la frontière helvético-italienne. L’accès se fait par deux vallées, au nord, côté suisse, la Mattertal, terminus à Zermatt (1600 mètres), et au sud, côté italien, le Valtournanche, terminus à Breuil-Cervinia (2000 mètres). Le charmant (et chic) village de Zermatt était appelé autrefois Praborgne (ou Prato Borno) par les Valdotains qui franchissaient aisément le col du Théodule en suivant une route commerciale, à une époque de réchauffement climatique bien plus spectaculaire qu’aujourd’hui puisque les glaciers avaient disparu autour de Zermatt, où l’on cultivait la vigne au treizième siècle ! La vallée est globalement germanophone, la « Rösti-grenz », surnom donné par les Suisses romands à la frontière linguistique, parcourt les
crêtes à l’est de la vallée de Zinal (Val d’Anniviers), mais la majorité des locaux parlent également le français et s’expriment parfaitement en anglais. Le tourisme est ici une tradition depuis qu’un célèbre alpiniste anglais, Edward Whymper, accompagné d’un guide tout aussi célèbre, Michel Croz, ont tous deux foulé la cime du Matterhorn un 14 juillet 1865. Cela dit, le tourisme d’hiver est plus récent et remonte à 1928, quand le train du Gornergrat assurait deux rotations par semaine (la technique de ski de l’époque réclamait aux skieurs beaucoup de temps pour la descente…). Côté italien, si on remonte la charmante vallée du Valtournanche qui serpente jusqu’à son embouchure avec le Val d’Aoste, on aboutit à la très large combe du Breuil au pied de laquelle a été établie la station de Cervinia à partir des années 1930 (avec alors la construction de quelques hôtels et la réalisation en 1936 d’un premier téléphérique). Le site, évidemment magnifique, est dominé par la paroi sud du Cervin, qu’encadrent la Dent d’Hérens prolongée par la longue arête des Grandes Murailles d’un côté et de l’autre, la ligne de crête s’étirant depuis le Furggen jusqu’à la Testa Grigia et la Gobba di Rollin. La station, par contre est nettement moins typée que Zermatt : c’est un assemblage peu harmonieux de constructions au style hétéroclite… On y parle bien sûr italien mais aussi français, le Val d’Aoste étant une province autonome ayant été complètement francophone avant Mussolini (le patois « Valdostane » ressemble beaucoup à notre provençal). Quelques kilomètres en aval, le petit village de Valtournanche a beaucoup plus de charme d’autant qu’il est relié au domaine de Cervinia par des remontées mécaniques modernes. Ici aussi, l’histoire du tourisme peut commencer avec la conquête du Cervin, versant italien, par deux guides locaux, Jean-Antoine Carrel et Jean-Joseph Maquignaz qui en réussirent l’ascension par une voie beaucoup plus difficile, seulement deux jours après que la caravane de l’Anglais eut atteint le sommet du Matterhor (les deux cimes sont séparées de quelques dizaines de mètres par une petite dépression) ! Séparé d’une ligne de crête de cet immense domaine skiable, le Monterosa Ski, l’équivalent italien des 3 Vallées, étire sur le versant sud et sud-est du mont Rose le maillage des remontées mécaniques de ses stations Champoluc (Val d’Ayas), Gressonney (Val Gressoney) et Alagna (Val Sesia). On verra plus loin, qu’un peu de randonnée permet de multiplier les possibilités de ski (parfois alpinisme) en basculant sur cet autre domaine… Enfin, voisine de Zermatt, la vallée de Saas (la Saastal), offre avec ses stations villages de Saas Fee, Saas Grund et Saas Almagell, encore d’autres possibilités de ski tout aussi étourdissantes.
ZERMATT OU CERVINIA ?
Côté budget, j’aurais certainement une petite préférence pour Cervinia. Si on ne peut accéder à Zermatt qu’en train ou en taxi, petite contrainte assez coûteuse quand même, la voiture étant laissée au bon soin d’un parking couvert à 80 euros la semaine, on n’accède à Cervinia que par les tunnels du mont Blanc (ou du Fréjus) et l’autoroute du Val d’Aoste, un autre surcoût, mais pour un voyage un peu plus rapide (depuis Rhône-Alpes). Côté hébergement, on trouve de l’hôtel cossu sur les deux versants et également du Bed & Breakfast au confort irréprochable pour des budgets allant de la suite à plusieurs milliers d’euros la nuit à la chambre double à moins de 500 euros la semaine. La location classique est assez rare à Zermatt, mais plus facile à trouver à Cervinia. Le campingcariste n’est évidemment pas le bienvenu à Zermatt mais il trouvera un caravaneige dans le Valtournanche. Et si à Zermatt la restauration est globalement un peu chère, surtout si on louche du côté de la spécialité touristique à base de fromage ou de viande séchée, on peut se nourrir à bon prix sur le versant italien, et tout particulièrement sur les hauteurs du village de Valtournanche, au Foyer des Guides, merveilleuse table tenue par une descendante de Jean-Antoine Carrel. De la gastronomie à petit prix. Enfin, le forfait a la particularité d’offrir la même prestation en partant des deux versants, toutes les remontées mécaniques étant reliées, mais pas du tout au même prix ! Pour exemple, en 2014, un forfait semaine six jours de « ski international » coûtait 272 € au départ de Cervinia, et 347 € (423 CHF) au départ de Zermatt ! À titre de comparaison, un forfait 3 Vallées ou Paradiski était à 277 €). Cependant, pour toutes les autres raisons, mon choix se portera sans hésitation sur Zermatt, d’abord pour le côté cosy de la station piétonne, mais aussi l’incomparable vue sur le Cervin et la possibilité de skier assez agréablement par mauvais temps (plusieurs pistes en forêt ; plus délicat pour le hors-piste, nombreuses zones protégées) ou la variété des départs et des orientations et la qualité de la neige (versant nord, donc mieux conservée), sans oublier l’immensité
des espaces skiables… Pour finir, ce choix s’explique pour les raisons stratégiques avec lesquelles il faut composer son programme quotidien lorsqu’on veut faire que du bon ski (hors-piste si possible). Chaque période de l’hiver a son charme mais comme il semble avisé de fuir les vacances scolaires françaises et la saturation des remontées mécaniques, mi-février à début mars paraît stratégique. Ici, non seulement les vacances scolaires ne coïncident pas forcément avec les nôtres, mais le débit, la plage horaire et l’étendue du domaine assurent une bonne fluidité des remontées mécaniques où même les très bons skieurs passent beaucoup moins de temps dans les remontées mécaniques que sur les skis, ce qui est exactement l’inverse dans la plupart des stations. Alors, poudreuse ou neige de printemps ? Dans ce cas, je conseillerais plus volontiers la seconde partie de l’hiver, à partir de mars, quand les glaciers sont suffisamment recouverts. En début de saison, certains itinéraires risquent de tourner à la roulette russe sur les ponts de neige…
SKIS AUX PIEDS
Que ce soit au départ de Zermatt ou de Cervinia, il y a trois façons d’aborder le domaine : en restant sur les pistes, auquel cas un forfait, un plan des pistes et une carte bleue suffisent ; en gribouillant les pentes à proximité des pistes, ce qui implique d’emporter un sac contenant pelle, sonde et DVA (ARVA pour les quinquagénaires…) ; enfin, en skiant XXL, et là il faut alourdir le sac avec peaux de phoques, piolet (dans le sac, on voyage majoritairement en téléphérique), corde, baudrier et un peu de quincaillerie pour faire du bruit et accessoirement, mettre en place un mouflage ou assurer un passage scabreux. En plus du plan des pistes et d’une photocopie de cet article si indispensable, un jeu de cartes au 1/25000ème ou la carte Matterhorn / Mischabel au 1/50000ème doit être également glissée dans le sac. Dernier détail avant de sauter dans la benne, prévoir un petit programme de la journée pour optimiser le chrono et ne pas se faire piéger par les remontées (un retour en taxi entre Cervinia et Zermatt, deux cent cinquante kilomètres environ, coûte aussi cher qu’une nuit dans un bon hôtel !). À propos de chrono, l’autre particularité de ce domaine qui le distingue de nos grandes implantations nationales, est la plage horaire de ses remontées mécaniques : ouverture à 8 h 30 pour Zermatt, 8 h 10 pour Cervinia (fin avril), premier train au Gornergrat à 7 h ! Et les fermetures s’étalent jusqu’à 17 h 30. De quoi rassasier les morfalous de glisse ! Évidemment, une description minutieuse et exhaustive de ce domaine ne pourrait être envisageable que dans un livre, pour cet article, on se contente des plus belles classiques, de quoi occuper une semaine de beau temps quand même… Dernier détail, les descriptions et suggestions sont faites par secteur, en allant du NE vers le SO. Bon ski !
SECTEUR SUNNEGA / ROTHORN (3103 MÈTRES)
Ce secteur est un peu l’exception du domaine de Zermatt puisque son orientation plein sud travaille assez rapidement la neige. On y accède par un funiculaire dont le premier trajet se fait à 8 h 30, jusqu’à Sunnega (2288 mètres), puis par un télésiège, jusqu’à Blauherd d’où part le téléphérique du Rothorn. Selon l’enneigement, quelques beaux hors-pistes de proximité permettent de jolis runs entre les pistes mais l’itinéraire capital de ce secteur se fait après une courte descente depuis le Rothorn sur la piste Rotweng (n°11) jusqu’à proximité du restaurant de Fluhalp : on se laisse glisser en traversée jusqu’au fond de la combe vers un petit lac au pied de la moraine du Findelgletscher (2650 mètres), pour chausser les peaux pour une agréable montée d’une heure / une heure trente dans le vallon que surplombe le Spitzi Flue, jusqu’au col de Pfulwe (3155 mètres) qu’on franchit. Suit alors une magnifique descente de près de 1000 mètres de dénivelé, plein nord, dominée en rive droite par les glaciers cascadant du Rimpfischhorn (4198 mètres) et de l’Allalinhorn (4027 mètres), jusqu’au long replat de Täschalp (prévoir un bon fartage…). Au petit hameau, suivre la route qui descend jusqu’à Täsch, si elle n’est pas enneigée, il est alors opportun d’avoir prévu un téléphone de taxi… Retour à Zermatt par train ou taxi.
SECTEUR GORNERGRAT / STOCKHORN (3405 MÈTRES)
Ce très gros secteur de freeride à proximité des pistes s’atteint soit par le train à crémaillère du Gornergrat, soit par l’enchaînement de la télécabine du Matterhorn Express jusqu’à Furi, suivi de la télécabine de Riffelberg et du télésiège Gifthittli. Le choix est dicté par la proximité de la gare de départ de son hébergement à Zermatt : toutes les remontées mécaniques sont connectées entre elles, mais les trois départs sont à deux extrémités du village, les gares du Gornergrat et de Sunnegga sont assez proches, alors que la télécabine du Matterhorn Express en est assez éloignée, et même si Zermatt est un village piétonnier, la noria de véhicules électriques qui sillonnent les ruelles ne rend pas la marche avec le matériel de ski très agréable… Le versant nord à nord-ouest du Gornergrat couvre des dizaines d’hectares de champs de neige à travers lesquels sont tracées quelques pistes. Le reste est un magnifique terrain de jeu où alternent
combes, couloirs, petits lacs, grandes pentes, et plus bas, bosquets de mélèzes et d’arolles. Deux échines rocheuses découpent parallèlement ce versant en trois tronçons, dissimulant en versant nord-est quelques belles lignes mais aussi quelques pièges à freerider (jump radical et plaques instables), donc Achtung ! Les rotations se font ensuite autour du téléphérique de Hohtälli (3275 mètres) au départ de Gant (2222 mètres), soit plus de 1000 mètres de dénivelé en six minutes de montée, rentable ! Les possibilités sont innombrables, il suffit d’ouvrir les yeux depuis différents points de vue, comme la cabine du téléphérique, pour repérer des champs vierges, des lignes, etc. C’est bien simple, on pourrait y passer la semaine, d’autant qu’à la sortie du téléphérique se cache la gare d’un autre téléphérique : une seule cabine parcourant en va-et-vient l’arête à peu près horizontalement jusqu’au Rote Nase (le « nez rouge »), pas nase du tout puisqu’il ouvre un autre grand secteur équipé de deux téléskis à enrouleurs. Le premier ramène au Rote Nase (3251 mètres), le second est stratégique et permet de monter au petit Stockhorn (3405 mètres, un mètre plus haut que l’Aneto !). De là, une élégante et aérienne arête de neige peut se parcourir à pied, si la trace est faite, de préférence skis sur l’épaule pour profiter d’un tronçon descendant, sinon avec les peaux, jusqu’au vrai Stockhorn (3532 mètres). On a le choix entre plusieurs descentes : par une des langues du glacier de Triftji dont on aura pris soin au préalable de repérer l’enneigement (risque d’affleurement de glace et séracs), ou par le Findelgletscher au-delà du Stockhornpass pour une balade bucolique face à l’Adelhorn et au Strahlhorn ou encore, pour les amateurs de grande bambée, par le Gornergletscher, au pied du mont Rose, avec arrivée à Furi ! Une pause réparatrice de milieu de journée peut se faire au grand hôtel du Gornergrat, avec sa magnifique terrasse, sans doute la plus belle de tout l’arc alpin : en tournant la tête vers la gauche, le regard se pose sur tous les sommets du mont Rose puis en revenant vers la droite, il balaye les grandes faces nord du Lyskamm, du Castor, du Pollux et du Breithorn, pour se perdre sur le Cervin. Pour ce panorama, on accepterait même de payer une blinde pour un mauvais burger mais par chance, la table s’avère excellente et l’addition tout à fait raisonnable ! Pour redescendre à Zermatt depuis ce perchoir, on peut évidemment emprunter une des nombreuses pistes fort agréables mais on peut aussi suivre un joli itinéraire à ne fréquenter que par manteau neigeux hyper stable. Par contre, on ne peut pas descendre par le vallon très tentant sous la gare de Riffelalp, c’est une réserve et en cas d’infraction constatée, le skipass trépasse ! Le bon plan consiste à suivre le vallon le plus à gauche qui s’ouvre juste au nord du Riffelhorn, sous le Riffelsee (petit lac), qui aboutit à un grand couloir très raide et assez étroit donnant sur le plan à la sortie des gorges du Gornergletscher (reconnaître l’enneigement depuis le téléphérique de Trockener Steg ou depuis la sortie des gorges). Un autre plan un peu moins radical consiste à emprunter la piste Rotenboden (n°38) qui suit la ligne du train en rive gauche (passage sous-terrain pour couper les voies), pour la quitter sur la gauche afin de batifoler dans un petit vallon qu’il faut également quitter plus bas, à proximité d’un chemin entretenu pour les piétons. On évite ainsi de pénétrer dans la réserve qui est signalée par des tronçons de cordes ornées de petits drapeaux verts. On continue la descente en tirant toujours légèrement à gauche en direction d’une ligne électrique. On la suit sur deux ou trois poteaux pour approcher les premiers arolles piquetés à l’entrée d’une zone où le cheminement devient assez tortueux sur un terrain sauvage à souhait parcouru de petites barres rocheuses. L’endroit est magnifique et débouche, en tirant toujours sur la gauche, tout près du couloir précédemment décrit sur le plan au pied des gorges du Gorner. On retrouve ici les itinéraires
descendant du Théodule et de Schwartztor décrits plus loin. On suit alors le chemin qui longe un petit barrage puis la falaise en rive droite du torrent, et traverse un pont pour changer de rive. Une montée d’une cinquantaine de mètres permet de rejoindre la piste n°62 dite Furgg-Furi.
SECTEUR KLEIN MATTERHORN
Le plus haut, le plus beau, c’est le Chli Matterhorn (on prononce « rli » ), 3882 mètres au garrot, auquel on accède par la télécabine du Matterhorn Express, un chapelet de cabines aux larges baies équipées de huit sièges et traversant quatre gares intermédiaires, jusqu’à Trockener Steg. De cette grosse gare qui abrite, à près de trois mille mètres d’altitude, deux téléphériques, une télécabine et deux télésièges, décolle la benne du Petit Cervin. Après une dizaine de minutes de vol sur trois kilomètres huit, les cent vingt-cinq sardines serrées à la verticale s’enfoncent dans la paroi où l’odyssée se poursuit à travers un long tunnel débouchant sur un immense champ de neige. On chausse les skis à 3850 mètres environ, face à la piste : un ruban de neige sécurisé au bord d’un terrain suffisamment miné par les crevasses pour être grillagé, cordassoné, achtunguisé par moult pancartes explicites représentant un pauvre skieur, la tête en bas, se faisant dévorer par le méchant glacier. Argl !
SCHWARZTOR
Dans une logique de présentation spatiale du domaine en partant de l’est et en allant vers l’ouest, on va donc passer sous les cordes de gauche pour suivre sur quelques mètres le téléski d’été, donc fermé en hiver, et entamer la longue traversée du col du Breithorn, cap plein Est sur un bon kilomètre de plat. Ce bout de banquise est parfois défoncé par le vent qui y sculpte de véritables champignons de neige. La traversée devient alors un vrai cauchemar ! Les plus sportifs profiteront de la proximité du 4000 le plus facile des Alpes, le sommet occidental du Breithorn n’étant qu’à une heure de peau si les conditions le permettent, le sommet étant souvent, en hiver, un gros iceberg lustré par le vent (même en bonnes conditions, on ne s’y aventure pas sans une bonne paire de crampons douze pointes affûtées dans le sac). Pour la traversée du col, ou plus exactement pour le franchissement du plateau de ce col, on peut se passer des peaux et avec les talons des fixations libérés, on gambade le long d’une subtile courbe de niveau sur ce faux plat aux allures de désert polaire. À l’amorce de la descente (vers le point coté 3824 mètres sur la carte suisse), on se laisse glisser pour contourner la base du sommet central du Breithorn, puis on échoue entre quelques crevasses au pied d’une longue traversée montante (peaux de phoque nécessaires) qui mène à la Porta Nera (on est en Italie depuis le franchissement du Breithornpass). Dépeautage sur le plat du col que tapisse un magnifique marbre bleu (ouvrir l’oeil, les ponts de neige risquent de ne pas être bien épais en début de descente…). La Schwarztor franchie (on est repassé en Suisse), un magnifique glacier torturé à souhait rebondit sur 1400 mètres de dénivelé jusqu’au Gornergletscher. Ce glacier alterne entre zones assez lisses et chaos de séracs : paysage sublime dominé par la couleur bleue de la glace et de l’ombre des pentes nord du kolossal Breithorn ! La descente se calme sur le dos du Gornergletscher et se poursuit en un gentil schuss interminable. On peut jouer la carte du pittoresque en suivant le lit de la grande bédiaire, ravine taillée dans la glace en été par le torrent principal de fonte de surface du glacier : un labyrinthe de glace comblé en son fond par la neige de l’hiver (attention aux pièges…). Au bout du glacier qui recule d’une bonne centaine de mètres à chacune de mes visites, le torrent s’engouffre dans les gorges plus ou moins tapissées de neige. Quand l’enneigement est insuffisant pour franchir la gorge avec une sécurité acceptable (marmites sournoises), il n’y a d’autre choix que d’escalader la rive droite pour franchir un petit col et redégringoler de l’autre côté (compter une demi-heure de grimpette). On retrouve ici l’arrivée des descentes sauvages depuis le Riffelberg décrites précédemment.
GRAND GLACIER DE VÉRAZ
Retour au col du Breithorn, ou plus exactement au point coté 3824 mètres (et non le Breithornpass comme indiqué sur la carte, qui bascule sur des barres de séracs et des falaises infranchissables, à moins d’en revenir en franche traversée sur la gauche). On se laisse alors glisser
plein sud à travers un champ de crevasses (rester assez haut), la descente se poursuivant en serrant la rive droite pour franchir une zone de séracs. On se trouve alors au sommet d’une pente assez raide : continuer de traverser sur la droite est assez tentant mais c’est aussi s’exposer aux chutes de glace de l’énorme barrière de séracs suspendue au-dessus… Chacun décidera de son avenir… La descente se poursuit au pied d’immenses barres rocheuses polies par le glacier, à l’époque où il remplissait toute la vallée. Toujours en rive droite, on peut ensuite choisir de basculer derrière la moraine et glisser dans la combe creusée entre montagne et moraine, ou de poursuivre la descente entre les deux gigantesques moraines vides, squelette du glacier desséché au soleil. Plus bas, la descente parcourt un joli terrain couvert de mélèzes, juste avant un grand plan qu’on évacue en rive gauche par une route forestière. Après une vingtaine d’épingles à cheveux qu’on peut couper parfois à travers mélèzes, la route aboutit au mignon petit hameau de Saint Jacques d’Ayas (1689 mètres), quelque chose comme le bout du monde… Une auberge où de charmantes ragazze s’affairent sert d’affriolantes boissons et pastas. Pour le retour, deux écoles s’opposent : soit le taxi jusqu’à Valtournanche (environ une heure et demie de route, donc 150 à 200 €, afin de retrouver son lit à Zermatt, soit une belle aventure par le domaine de Monterosa Ski, via les remontées mécaniques de la station de Champoluc puis de Gressonney (prévoir dans le budget l’achat d’un autre forfait, 30 € pour l’après-midi). L’enchaînement d’un petit funiculaire et de deux télésièges permet de franchir le col de Bettaforca (2727 mètres, la bête fourchue !), suivi d’une longue descente sur piste (ou sa variante en rive gauche après une petite montée à peaux au col de Bettaforca si on dispose d’assez de temps), pour atteindre le fond de vallée à Stafal (1830 mètres) d’où repart une télécabine sur le versant opposé, suivie d’une autre télécabine puis d’un téléphérique pour aboutir, au-delà du Passo de Salati, à la Punta Indren (3275 mètres). Un dernier coup de peaux amène enfin au gîte, soit au refuge Citta di Mantova (3498 mètres, tout confort), soit au refuge Gnifetti (3647 mètres plus spartiate). Le lendemain, deux heures de montée aboutissent au col du Lys à 4260 mètres (le Lysjoch indiqué sur la carte donne sur des séracs infranchissables, viser cent mètres plus à droite). En partant suffisamment tôt, et moyennant une heure de montée supplémentaire, les plus sportifs pourront s’offrir un des sommets du mont Rose comme la Punta Gnifetti (Signalkuppe en allemand, 4554 mètres) où trône l’incroyable refuge Margherita dont le balconnet offre une vue sidérale sur la vallée d’Alagna. La descente est alors la plus belle du massif par le Grenzgletscher et le Gornergletscher, soit près de 3000 mètres de dénivelé jusqu’à Zermatt !
UNTERER THEODULGLETSCHER
Le glacier inférieur du Théodule est éminemment bien supérieur pour le freeride au glacier supérieur (Oberer), ce dernier étant parcouru par les pistes et les remontées mécaniques. Après reconnaissance préalable, on peut s’offrir une petite fantaisie en sortant du tunnel du Klein Matterhorn : le passage entre le roc et le filet permet d’éviter la piste, mais à ne pratiquer qu’avec la plus grande méfiance, crevasses et plaques de glace guettent l’insouciant ! Une traversée vers la droite permet d’atteindre la petite combe située à l’ouest du Klein Matterhorn, qu’on descend avant de revenir sur la gauche
vers le milieu de glacier. On a ensuite le choix entre rive droite et rive gauche, le centre de glacier n’étant guère fréquentable, du moins en mars 2014. Il y a ensuite trois façons de poursuivre la descente : - à partir de 3000 mètres, cap à l’est en traversant le glacier en direction de sa rive droite où un mouvement tournant le long de la courbe de niveau amène à une brèche. Cette dernière donne sur le Triftjigletscher (même nom que sous le Stockhorn, mais pas du tout le même glacier). L’ambiance est apocalyptique sous les séracs gigantesques de la face nord du Breithorn, ne pas traîner… Le vallon qui fait suite au glacier se jette dans le Gornergletscher qu’on suit selon la trajectoire adoptée lors de la descente de la Schwarztor, et ce jusqu’à Furi où on retrouve les pistes, ou les remontées mécaniques selon l’heure et les projets. - en serrant au contraire la rive gauche de l’Unterer Theodulgletscher, une zone de séracs impressionnants se négocie en zigzags, selon l’enneigement, on rejoint ensuite le vallon précédent dont on suit la rive de meilleure neige… - enfin, en franchissant la ligne de roche séparant les deux glaciers par un passage médian. Ce versant s’avère un peu moins sexy car orienté plein sud, la neige devient vite carton alors que les glaciers se sont retirés au ras des crêtes, et le maillage pistes / remontées mécaniques se montre assez serré. Cependant, en cherchant bien, on s’aperçoit que la Gobba di Rollin a un beau potentiel. Cette montagne s’atteint en quelques minutes de peaux au départ du Klein Matterhorn, en suivant le téléski d’été. La descente plein sud sur un glacier barré de nombreux ressauts rocheux et de quelques séracs est certainement une aventure très excitante que je n’ai pas eu le plaisir de vivre, mais qui mérite beaucoup d’attention et de préparation… Un passage au nord de la pointe de Rollin semble permettre d’atteindre le Grand Lac d’où il est possible de rejoindre facilement les remontées mécaniques des cols de Cime Bianche et éviter ainsi la descente jusqu’à Saint Jacques dont le retour n’est pas aisé. Beaucoup plus réaliste est la descente depuis le sommet du Klein Matterhorn, d’où on peut suivre sagement la piste, ou bien l’éviter comme précédemment vu. Il faut alors prendre un téléski à enrouleur pour atteindre la Testa Grigia (3479 mètres, appelée aussi Plateau Rosa, du nom du plateau glaciaire qui la borde). Cette éminence rocheuse entourée de glace supporte quelques constructions comme la gare du téléphérique italien, un refuge, un poste de douane, un ensemble de relais radioélectriques et, le plus remarquable, un très gros chalet appartenant paraît-il, à la famille de l’ingénieur qui construisit le premier téléphérique… Bref, un petit village, il me semble qu’il y a même une chapelle ! La piste plonge sur l’Italie, en passant par une vague dépression à l’est de Testa Grigia. Dès que possible, la corde est franchie en rive droite, pour une belle pente qui revient un peu en NO. Elle s’achève sur un grand replat, le lac de Cime Bianche où un peu de pédalage et une légère montée ramènent à la gare de départ du stupendo teleferico, magnifique benne noire dessinée par un grand designer italien (ça sent la Lamborghini…), pour un second run. Mais le déversoir du lac peut également poursuivre la descente par un système un peu complexe de gorges et de pentes raides qui se faufile sous le barrage du Laggo Goillet, jusqu’à Cervinia (attention à la stabilité de la neige, et à la certitude d’un enneigement suffisant jusqu’au bas de la descente, on est ici sur un versant plein sud…). Cette descente peut également se prendre depuis la ligne de crête à l’ouest de Testa Grigia, en suivant une trajectoire orientée vers le col du Théodule. Plus bas, on suit plutôt le lit du ruisseau qui coule entre les lacs de Cime Bianche et du Tramail. En retournant à Testa Grigia et en suivant la piste, ou ses abords, on arrive ainsi au col supérieur de Cime Bianche (col nord des Cimes Blanches sur la carte). Le joli vallon qui s’ouvre à l’est descend magnifiquement sur Saint Jacques d’Ayas (retour en taxi ou par Monterosa Ski, comme vu précédemment…). Il est cependant plus pratique de passer le col inférieur (ou col sud), par un petit télésiège, pour accéder au domaine de Valtournanche. Si les pistes sont bien dessinées, une longue traversée, éventuellement montante en direction du mont Roisetta, donne accès à un système de combes un peu à l’écart des pistes qu’il faut cependant rejoindre au niveau de Salette. La descente se poursuit à proximité de la piste, en direction de Valtournanche, avec un arrêt gastronomique conseillé un peu avant le village, au Foyer des Guides. Sous le Cervin, une autre possibilité de belle descente débute au sommet du télésiège de Pancheron (au départ de Plan Torette), par une traversée sur la droite (dans le sens de la descente) afin d’atteindre le long toboggan de neige serré entre deux moraines caractéristiques que le glacier de la Fourche a laissé en se retirant au pied de la face sud du Cervin (avalanche pouvant arriver de très haut…). Il se prolonge par le torrent du Cervin qui arrive à proximité du front de neige de Cervinia Cretaz. Le retour se fait par le télésiège de Cretaz puis celui de Plancheron afin de revenir sur Plan Maison d’où partent les liaisons pour la Suisse (col de Théodule ou Plateau Rosa). Le retour sur Zermatt depuis Plateau Rosa, peut se faire par une des variantes de l’Unterer Théodulegletscher. Glaciers de l’Oberer-Theodule et du Furgg : de Trockener Steg grimpe un télésiège débrayable à six places avec bulle, entièrement implanté sur le glacier de l’Oberer-Theodulegletscher (hormis ses deux gares) ! Cette prouesse technique conduit à la Furggsattel qui surplombe l’Italie du haut d’une petite falaise. De part et d’autre de la piste s’étalent deux grands champs de neige sous lesquels peuvent se dissimuler quelques crevasses. Si les rotations sont rapides, le télésiège confortable et la vue plaisante, on s’y ennuie rapidement, une petite aventure est donc réclamée d’urgence ! Elle débute par une longue glissade vers l’ouest, en bordure de la piste n°69 dite du Matterhorn, sur un terrain en pente douce (un peu de peaux de phoque à la conquête de la Cima del Breuil -Furgghorn - 3451 mètres, site de
dépose héliski, permet de prendre un peu d’élan). La proximité de la plus haute pyramide des Alpes est vraiment impressionnante, tout particulièrement quand le coude du Furgg-gletscher pousse le skieur au pied de la face est que Jean-Marc Boivin skia en juin 1980. Cette descente, principalement contemplative, est déconseillée par neige épaisse, l’inclinaison de la pente ne procurant alors qu’une très mauvaise glisse (à moins de rejoindre la piste). Le torrent de Furgg canalise le skieur et l’entraîne jusqu’à l’une des gares intermédiaires du Matterhorn Express qu’on emprunte pour monter à Schwarzsee, petit lac célébré, l’été, par les photographes qui viennent saisir sur ses eaux le reflet de sa petite chapelle et du Cervin.
HÖRNLIGRATT
De la gare Schwarzsee, une piste (autour de laquelle on peut papillonner) descend jusqu’au départ d’un téléski à archets, montant à Hirli. Au-dessus de sa gare d’arrivée prend naissance une falaise qui s’étire en direction du refuge du Hörnli puis se poursuit par l’arête du même nom, pour aboutir au sommet du Matterhorn. C’est la voie d’accès classique à la cime de cette étourdissante montagne ! Depuis le pied de cette falaise, le sentier d’accès au refuge a été aménagé avec des passerelles qui courent le long du vide : il faut les emprunter pour en atteindre le faîtage (vers 2900 mètres) et accéder ainsi aux immenses champs de neige que ces petites tracasseries préservent des hordes de skieurs ! On skie au pied de la face nord du Matterhorn sur un ensemble de pentes directement issues des gradins de séracs du glacier. Quelle ivresse ! De pente en pente, la descente se poursuit jusqu’à un petit chemin plus ou moins déneigé qui conduit au restaurant de Stafelalp, un peu cher mais excellent. La piste n°52 passe devant ce restaurant et ramène à Zermatt, via Furi. La boucle est bouclée, enfin presque, car Zermatt offre une autre possibilité pour accéder aux champs de neige : l’hélicoptère…
LE MONT ROSE PAR LES AIRS
À l’entrée de Zermatt, l’héliport est implanté au sommet d’un immeuble qu’on atteint en ascenseur, détail suffisamment futuriste pour faire penser à un film de James Bond ! Seulement deux points de dépose sont proposés par Air Zermatt : un petit dôme de neige à 3839 mètres près de l’Alphubel (descente sur Täsch) et une épaule à près de 4200 mètres au pied de l’arête ouest de la Dufourspitze au mont Rose. Cette restriction rend l’activité suffisamment discrète pour être supportable, en comparaison, les compagnies italiennes proposent une trentaine de points de dépose autour du mont Rose. Pour une rotation sur les pentes du mont Rose, il faut compter 300 € par personne, honoraires du guide inclus (l’accompagnement d’un guide est obligatoire, pour les groupes ayant leur encadrement, compter 170 € par siège occupé dans l’hélico, avec un minimum de trois sièges). L’accès au sommet de la pointe Dufour qui se trouve seulement 450 mètres au-dessus de la DZ réclame des qualités d’alpiniste. Mais pour une expérience alpine inoubliable, on peut se contenter de monter en peaux à la Silbersattel (4453 mètres), petit col serré entre la Dufourspitze et la Nordend (compter deux heures). La montée n’est pas toujours aisée, le glacier opposant tout un système de crevasses et de séracs à la progression des randonneurs qui ont à peiner sur une neige souvent durcie par les vents d’altitude (prévoir les couteaux, voire les crampons). La récompense est une fenêtre extraordinaire qui s’ouvre sur le versant oriental du mont Rose et plonge sur le fameux couloir Marinelli, le plus grand couloir des Alpes (2300 mètres de dénivelé à 50°/45° !). Cet accès au couloir pour une descente à ski est malheureusement très acrobatique et guère pratiqué (manoeuvres de corde rédhibitoires), il est plus classique de passer par le col Gnifetti, entre la pointe du même nom et la Zumsteinspitze, bien au-delà de la pointe Dufour. La descente sur le versant occidental est beaucoup plus raisonnable et peut suivre une des différentes branches du Monte Rosa Gletscher, ambiance extraordinaire, suivi du Gorner Gletscher, pour un dénivelé total de 2850 mètres jusqu’à Zermatt. Pas mal, non ?
EXCURSION SUR SAAS FEE
Bien qu’il soit tout à fait envisageable de se rendre dans la vallée de Saas Fee en franchissant les montagnes (au départ du Stockhorn, par le Findelgletscher, l’Adlergletscher, l’Adlerpass, l’Allalingletscher et la cabane Britannia), une grosse journée de pure randonnée, il est beaucoup plus pratique de prendre la route jusqu’à Stalden et de remonter la vallée de Saas. La station de Saas Fee est également piétonne et si ses équipements sont un peu plus modestes que ceux de Zermatt, le domaine n’en est pas moins extraordinaire, implanté aux deux tiers sur ou en bordure d’une grosse calotte glaciaire, le Feegletscher qui est alimenté par les neiges posées sur les pentes de l’Allalinhorn (4027 mètres), de l’Alphubel (4206 mètres), du Täschhorn (4491 mètres), du Dom (4545 mètres) et de la Lenzspitze (4294 mètres). Je laisse imaginer au lecteur les impressions ressenties quand on skie au milieu de ce gros cornet de glace ! Grosso modo, le domaine peut se découper en trois secteurs correspondant aux trois lignes de remontées mécaniques : - Plattjen (2570 mètres), desservi par une télécabine de 770 mètres de dénivelé, rapide et directe. Zone non glaciaire. En rive gauche, une succession
de grandes pentes assez avalancheuses se termine par un très beau couloir, tout aussi avalancheux. En rive droite, du ski plus serein au-dessus puis dans une forêt clairsemée qui s’épaissit en aval. - Mittalalin (3500 mètres), deux départs distincts permettent d’y accéder : les deux tronçons de télécabine de l’Alpin Express, et le téléphérique de Felskin, pour la première partie, puis la montée se poursuit par un funiculaire souterrain passablement glauque… - Längfluh (2870 mètres), accessible par une télécabine vintage prolongée par un téléphérique. Suit alors un enchaînement d’un télésiège et de plusieurs téléskis à archets pour atteindre le point culminant de la station à près de 3600 mètres, juste en contrebas de l’arête de l’Hinter Allalingratt au-delà de laquelle cascade un monstrueux chaos de séracs sous l’Allalin. Les pistes de ski entourent le glacier, et un respect particulier est dû à tous ceux qui assurent l’exploitation de kilomètres de téléskis et de pistes sans cesse remis en question par les humeurs du glacier : une armée de pelleteuses et d’engins de damage bouche les crevasses, déplace les pylônes, sécurise les pistes. Mais au-delà des cordes, c’est à chacun d’assurer sa sécurité en commençant par bien observer le terrain convoité avec une méfiance viscérale et une clairvoyance permanente…
CREVASSES, SÉRACS, BARRES ROCHEUSES, BREF, LA TOTALE…
Le centre du glacier, dont les zones crevassées servent de filtre à l’appétit des freerideurs, bascule progressivement sur la vallée. Plusieurs lignes de descente sont ici envisageables, avec toutes les précautions de rigueur sur ce terrain vraiment miné (crevasses, séracs, barres rocheuses, bref, la totale…). La plus belle descente débute du sommet du plus haut téléski : une longue traversée vers la rive gauche du glacier ouvre de grands champs de neige à la fois menacés par la ligne de séracs qui les surplombent, et par les chausse-trapes tapies sous les skis… Quand le terrain oblige à serrer la ligne de montée du plus bas des téléskis et à rejoindre la piste, un joli passage s’ouvre sous un hérisson de glace, sorte de gros sérac ouvert comme une mangue. Plus bas, à proximité de la station de Längfluh, la descente qui a déjà consommé près de 800 mètres de dénivelé sur le glacier, se poursuit dans un vallon qui va plonger sur encore 1000 mètres ! Nous sommes toujours sur un glacier, et le tracé d’une piste ne signifie nullement que ce vallon soit débonnaire. Bien au contraire, sa fréquentation ne peut s’envisager que par stabilité irréprochable du manteau neigeux car plus bas, quand la piste a sagement rejoint le départ d’un télésiège, donc la terre ferme, le vallon passe sous la menace de pentes formidablement raides qui dégringolent depuis la lignée de 4000 des Mischabels. Le glacier, ici, n’est pas seulement l’appendice du gros glacier que nous avons parcouru, mais il est régénéré par les avalanches de glace et de neige qui s’abîment depuis les gradins supérieurs et les pentes du Dom dont les corniches peuvent basculer 2300 mètres plus haut et tout balayer sur leur passage. Ce n’est pas franchement le bon endroit pour sortir le pique-nique… En revanche, le ski s’avère phénoménal sur ce terrain tout en rondeur et en grosses bosses, façonné par le dépôt des avalanches que la dernière chute de neige a recouvert avec bonheur. Un verrou rocheux oblige à petit détour en rive gauche, à moins de suivre une ligne étroite de neige suspendue entre les rochers, et sous laquelle grogne le torrent. Puis, le vallon s’ouvre sur un grand plan bordé par une très haute moraine qui protège naturellement le village des projections de la montagne. Je ne vous cache pas qu’il y a toujours un petit soulagement à rejoindre les pistes… Sur l’autre versant de la vallée, la station de Saas Grund aligne deux télécabines qui aboutissent à la gare de Hohsaas à 3200 mètres d’altitude. De là, il est possible de réaliser l’ascension du Weismies (4017 mètres, deux heures de montée), le 4000 le plus oriental des Alpes pennines.