Skieur Magazine

LA PLAINTE DU SECOURISTE QUI N’AIMAIT

PAS CEUX QUI AIMENT LA MONTAGNE…

- Laurent BELLUARD

Le commandant du PGHM d’Annecy s’interroge dans les colonnes du Dauphiné du 3 février 2015 sur la possibilit­é ou pas de porter plainte contre les skieurs qui auraient pris des risques inconsidér­és. Les secouriste­s - payés avec nos impôts - afin d’offrir un service public gratuit, deviendrai­ent donc aussi procureurs mais qu’avec les skieurs, cette lie de la société, c’est bien connu. Comment peut-on être responsabl­e d’une unité spécialisé­e dans la montagne et dire de telles absurdités ? Comment déterminer cette prise de risques ? À partir du niveau 3 pour les avalanches ? Autant dire que les guides peuvent arrêter de travailler en hiver… Et grimper une cascade de glace, ce n’est pas prendre des risques inconsidér­és ? Et marcher sur un chemin enneigé, n’est-ce pas provoquer le destin ? Qui va décider de cette prise de risque outrancièr­e ou pas ? Un amateur averti peut tout à fait évoluer sans risque par risque 4 s’il connaît bien les lieux et choisit les bonnes pentes au même titre qu’il peut se faire coffrer par risque 2. Comment faire la différence ? Et ces bons sauveteurs, portent-ils plainte contre les automobili­stes qui se gaufrent à chaque chute de neige parce qu’ils ne jugent pas nécessaire d’acheter des pneus neige mais estiment pouvoir rouler comme tout le monde même lorsque la neige est annoncée à l’avance ? Que les auditeurs de RMC Info votent aux trois-quarts pour cette pénalisati­on des skieurs (sondage du 4 février) ne surprend pas : les grands médias ont réussi leur travail de sape, Monsieur Tout-le-Monde réfléchit avec les éléments qu’il a en sa possession, c’est-à-dire ce qu’il a entendu sur TF1. En revanche, que ce questionne­ment provienne de spécialist­es du milieu montagnard est réellement affligeant et me rappelle l’époque où, sous la houlette de Marielle Goitschel, un obscur député du Puy-de-Dôme avait déposé une propositio­n de loi pour interdire les avalanches, laissant au Conseil d’État la mise en oeuvre concrète de cette géniale idée… À la même époque, un préfet avait, lui, préféré interdire le hors-piste, à ski ou pas, c’est-à-dire interdire à tout un chacun de sortir des routes balisées, autre idée brillante mais allant à l’encontre du droit existant, prouvant une fois de plus qu’il vaut souvent mieux s’abstenir plutôt que de se ridiculise­r en ridiculisa­nt au passage des institutio­ns qui ne méritent souvent pas autant d’amateurism­e. Alors soit, arrêtons de prendre des risques inconsidér­és et restons sagement devant la télé à s’engraisser. Quand on sera devenus gros comme des loukoums, on portera plainte contre ces gens qui nous ont empêchés d’aller en montagne, en mer ou ailleurs, pour mise en danger de la vie d’autrui ce qui ne manquerait pas de sel d’ailleurs ! A posteriori, il est toujours facile de dire qu’un groupe a pris des risques inconsidér­és puisqu’il y a eu accident. Mais avant ? Et comme les secouriste­s ne vont pas donner un blanc-seing à ceux qui partent faire une rando, ce qui les rendrait responsabl­es en cas d’accident malencontr­eux, le serpent se mange la queue, et la patate chaude passe de main en main pour atterrir dans celles qui ont le moins de pouvoir : les nôtres, petits pratiquant­s de base. Si jamais cette plainte était déposée, alors il ne sera simplement plus possible de se tromper en montagne ou de n’avoir pas de chance. Vraiment, grâce à ce genre de prises de position donneuse de leçons, on se prépare un bien bel avenir…

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