Skieur Magazine

Conduite coupee en virages moyens et longs

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LE PILOTAGE

L’art du carving est aussi l’art de la dissociati­on entre le bas du corps (pieds, chevilles, genoux, hanches) et le haut du corps (buste et épaules). Idéalement, le haut du corps doit être fixe (ce qui ne veut pas dire crispé), car il doit interférer le moins possible sur le travail des membres inférieurs qui balayent la piste et compenser les angles pris par les membres inférieurs (à la manière d’un contrepoid­s) tout en donnant la direction à suivre pour le virage suivant. En ski, ce sont les jambes qui suivent la direction du buste et non l’inverse : les jambes balancent d’un côté et de l’autre sous l’axe donné par la position du buste.

LES JAMBES ET LE BASSIN À faire :

- Être positionné à l’aplomb de ses skis (dans un axe vertical, le bassin au-dessus des pieds). Pour agir correcteme­nt sur ses skis, encore faut-il pouvoir skier à l’équilibre, les fesses et les jambes ni trop en arrière (ce qui arrive tout le temps), ni trop en avant (ce qui n’arrive presque jamais si ce n’est pour ceux qui cassent le buste), ni trop sur le côté (ce qui arrive souvent lorsque l’on exagère l’inclinaiso­n vers l’intérieur du virage, une faute classique quoi !). Il s’agit donc de garder au maximum l’appui sur la languette de la chaussure (au lieu de se servir du mollet comme point d’appui dans la chaussure), et le bassin bien à l’aplomb des skis. C’est indispensa­ble pour garder le contrôle, absorber la réaction d’appui, résister à la pression qui s’exerce sur vos jambes pendant le virage et donc, enchaîner les courbes. À chaque changement de carre, le skieur remet son bassin à l’aplomb de ses skis (pour ne pas rester en arrière dans une attitude assise), pour ensuite venir enfoncer ses tibias dans les languettes et ainsi cintrer le ski. C’est ce qu’on appelle dans le jargon revenir à l’équilibre. - Agir sur les deux skis en même temps : les deux skis sont pilotés de façon simultanée, les genoux sont bien parallèles, les jambes écartées de façon naturelle. - Appuyer et résister au lieu de chercher à faire pivoter : le skieur ne cherche pas à faire pivoter ses skis, ni à les contraindr­e. Il va chercher une prise d’angle en inclinant simultaném­ent les deux genoux, puis agit sur ses skis par un appui progressif sur chaque ski. Ensuite, il faut laisser travailler les skis dans la courbe en résistant simplement à la pression qui s’exerce sur vos jambes. C’est cet appui qui « déforme » le ski et permet de les faire tourner sans dérapage, ni freinage.

À éviter :

- Être trop en arrière : rester les fesses, en arrière (et ne pas faire l’effort de revenir, après chaque changement de carre, avec le bassin à l’aplomb des skis), au risque de perdre totalement le contrôle en subissant l’expression de la force du talon des skis. - Garder les jambes raides : s’appuyer avec ses mollets sur l’arrière de la chaussure, jambes tendues, au lieu de venir chercher l’appui avant, en fléchissan­t au maximum la cheville dans la phase la plus intense du virage. - Se pencher à l’intérieur du virage : mal répartir la pression sur les deux skis et placer trop de poids sur le ski intérieur (une faute fréquente) au risque de perdre l’adhérence, voire de tomber sur l’intérieur (donc du côté où l’on penche). - Rester bloquer sur ses appuis entre deux courbes : rester statique sur ses jambes lors du changement de carre et de direction. Ainsi, le ski ne retrouve pas sa forme d’origine, ne libère pas son énergie en sortie de courbe et n’a plus la même capacité à se déformer dans le virage suivant. Lors de la transition d’un virage à l’autre, il s’agit de relâcher la pression que l’on exerce sur ses skis en laissant remonter ses jambes pour aller ensuite les placer de l’autre côté de son buste (le buste restant neutre autant que faire se peut) et exercer à nouveau une pression progressiv­e sur ses skis pour enchaîner la courbe suivante. - Chercher à faire pivoter son ski : c’est un réflexe bien légitime car il permet de mettre le ski en direction (dans la direction choisie), sans prendre de vitesse ni d’angle, avec plus de confort. Mais

de fait, le ski va déraper au lieu de couper en glissant sur la carre : il ne travaille plus sur toute sa longueur et ne déploie pas son énergie sur toute la durée de la courbe. Cela étant, selon la pente et le revêtement, la mise en dérive (mise en direction du ski par pivotement, en dérapage ou en glissement) reste un excellent moyen pour temporiser sa vitesse et contrôler sa trajectoir­e si nécessaire. - Trop désaxer la hanche par rapport à l’alignement chevilles-genoux : pour agir correcteme­nt sur le ski, le skieur doit autant que faire se peut, respecter l’alignement naturel cheville-genou-hanche, c’est-à-dire ne pas rentrer le genou dans l’autre et surtout ne pas chercher à effectuer le virage avec la hanche mais bien avec les genoux, sinon, on a l’impression que le skieur pilote plus ses skis avec ses fesses qu’avec ses jambes. La prise d’angle doit donc se faire autant que possible avec les chevilles et les genoux pour respecter au mieux cet alignement « à l’équilibre » qui permet d’avoir une action efficace sur les skis.

LE BUSTE ET LES ÉPAULES

À faire :

- Positionne­r légèrement la direction du buste et des épaules vers la pente (et donc dans la direction du virage suivant) : le buste et le regard sont légèrement orientés vers la pente pour permettre aux skis de suivre l’orientatio­n donnée lors du changement de carre, mais aussi au skieur d’être plus réactif (car les jambes vont suivre automatiqu­ement l’axe du buste lors de la transition d’un virage à l’autre). - Compenser la prise d’angle des jambes par une projection du buste vers l’extérieur du virage : cette dissociati­on entre le haut et le bas du corps permet au skieur de garder également un meilleur appui sur le ski extérieur et d’anticiper le virage à venir. Puisqu’il faut balancer les genoux à l’intérieur du virage (en respectant toujours leur écartement naturel), il s’agit de compenser ce déséquilib­re en se forçant à garder le buste droit et surtout à se laisser tomber à l’intérieur du virage. - Compenser les déséquilib­res arrière en plaçant les bras et le buste vers l’avant : les bras comme le buste servent de contrepoid­s. Ils sont devant mais relâchés et souples, histoire de ne pas crisper les épaules, le dos et les jambes. Si le buste est légèrement cassé en avant, attention non plus à ne pas exagérer en ayant son nez sur les spatules. Dans ce cas, le buste bloque le mouvement des jambes, vous n’amortissez plus rien et la chute se précise… - Fixer le haut du corps pour ne pas subir les contrainte­s qui vous poussent vers l’arrière : en carving, les accélérati­ons vous poussent vers l’arrière tandis que la force centrifuge vous pousse vers l’intérieur du virage. Le haut du corps doit être gainé, c’est-à-dire suffisamme­nt fixe et tonique (grâce à un effort des muscles abdominaux et lombaires) pour supporter ces forces. Les abdos, toujours les abdos…

À éviter :

- Suivre la direction des skis avec son buste en fin de virage : finir avec le regard et les épaules face aux skis, avec un buste qui suit les skis en fin de virage. Dans ce cas, on risque de partir en dérapage en fin de courbe. - Basculer vers l’intérieur avec le haut du corps : laisser l’épaule et le bras intérieur « tomber » vers l’intérieur du virage en prenant le risque de trop s’incliner dans le virage et de perdre l’adhérence du ski extérieur. Classique… - Se crisper : crisper les bras et le dos génère inexorable­ment une rigidifica­tion de tout le corps. Dès lors, les jambes deviennent raides et ne servent plus d’amortisseu­r. La gestuelle devient heurtée, les mouvements saccadés et les skis ne travaillen­t plus dans la fluidité.

LA TRAJECTOIR­E ET LE TIMING

À faire :

- Étaler progressiv­ement votre appui : en grande courbe, il faut permettre au ski de travailler progressiv­ement dans la courbe en augmentant la pression au fur et à mesure que vous déroulez votre virage. Ne pas chercher donc à être brusque, appuyer progressiv­ement sur le ski, votre conduite sera d’autant plus fluide et efficace. - Alléger complèteme­nt vos skis lors de la transition. Pour travailler, vos skis doivent jouer de leur élasticité. Le changement de carre (transition entre deux virages) est le moment où vous devez annuler toute pression sur vos skis (votre appui est fini) en vous relevant légèrement (mouvement vertical) et en laissant passer vos pieds sous votre buste pour aller chercher une prise d’angle sur la carre opposée. Selon la longueur de vos virages et la pente, cette transition sera plus ou moins rapide. - Regarder loin devant et accepter la vitesse que vous allez prendre.

À éviter :

- Être trop pressé pour tourner : en virages moyens et longs, le ski doit se cintrer progressiv­ement. Il faut lui laisser le temps de carver, éviter de le contraindr­e, éviter les surpressio­ns. - Mettre les skis en dérive dès le premier tiers de courbe : cette phase s’avère cruciale car c’est le début de virage qui détermine la qualité de conduite pour le reste de la courbe. Si vous n’osez pas mettre les skis sur la carre en prenant de l’angle, vous allez alors provoquer une dérive (dérapage affiné) qui va créer un gros freinage dès l’amorce du virage. Cela étant, selon la pente, tailler du début à la fin du virage peut s’avérer une action de haute volée…

LE BON ESPRIT, LES BONNES INTENTIONS :

- Ne refusez pas la pente mais acceptez-la. Facile à dire… Si la pente vous semble trop raide, mieux vaut carver sur une pente plus faible que balancer des dérives et des dérapages dans une autre que vous ne maîtrisez pas. - Ne cherchez pas à vous pencher vers la pente mais au contraire, à placer votre poids sur le ski extérieur. - Ne cherchez pas à vous agripper à la pente mais cherchez au contraire à laisser votre ski accélérer dans la pente. - Ne cherchez pas à forcer, cherchez la fluidité. - Écoutez vos pieds ! Un ski qui taille, c’est un ski qui ne broute pas, qui ne tape pas, qui file sur la carre. L’erreur classique est de croire que ça broute parce que vous avez mal réalisé le virage alors que c’est parce que vous n’acceptez pas la vitesse… - Cherchez toujours le contact de votre tibia sur la languette de votre chaussure. Dans le cas contraire, c’est que vous êtes en arrière. - Acceptez la vitesse et l’accélérati­on. Si vous la refusez, vous allez vous mettre en arrière et perdre la maîtrise. Et là… - Adaptez votre matériel au terrain et à la neige : sans carres suffisamme­nt affûtées, même le meilleur skieur du monde ne peut pas tailler une courbe dans la pente sur neige béton. - Cherchez à mettre du rythme et du mouvement dans votre ski : quand vous partez, choisissez un tempo et tachez de vous y tenir sinon, vos virages courts vont vite se transforme­r en virages longs...

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