Skieur Magazine

Cambriolag­e historique au sommet de l’Auvergne

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1ER JANVIER 2021 : LES REMONTÉES MÉCANIQUES SONT TOUJOURS FERMÉES ET DÉSORMAIS TOUT N’EST ACCESSIBLE QU’EN METTANT UN PIED DEVANT L’AUTRE. DANS CE DÉSARROI, UNE CHOSE EST CERTAINE, ON TROUVE TOUJOURS DE LA PLACE POUR FAIRE SA TRACE. EN OUTRE, EN CE PREMIER JOUR DE L’ANNÉE, L’AUVERGNE A SUBI UNE MOUSSON NEIGEUSE EXCEPTIONN­ELLE VOIRE HISTORIQUE ET LE PUY DU SANCY, PLUS HAUT SOMMET DU MASSIF CENTRAL, S’EST COUVERT D’UN MANTEAU BLANC QUE TRÈS PEU DE GENS ALLAIENT POUVOIR SKIER. C’ÉTAIT SANS COMPTER SUR LES CAMBRIOLEU­RS CHAMONIARD­S.

Matthieu Vigier est natif de la région et attend ce moment depuis plus de dix ans. En effet, installé à Chamonix, c’est quotidienn­ement qu’au pied des géants, il regarde la météo en essayant de prévoir le meilleur créneau pour rentrer faire un tour du côté de chez lui. Cette année sera la bonne, il en est sûr. Accompagné de Papy Millet, de Lucie Huguenin et du photograph­e Arthur Ghilini, la bande compte bien y faire le casse du siècle. Ok, l’Auvergne n’est pas le Mont-Blanc, ce n’est pas non plus la profonde du Japon ou encore les grands volcans du Chili. Mais ça vaut le coup d’aller voir ce que le ciel a promis.

Arrivé sur place le 31 décembre d’une année bien chargée en rebondisse­ment, la stupeur nous prend en constatant l’apocalypse que la neige a laissée dans les villages du Mont Dore et de la Bourboule. Plus d’un mètre à 1000 m ! Les voitures ne bougent plus, les enfants ont pris les routes d’assaut avec leurs luges et la plupart des adultes ne tiennent pas debout, tombant inexorable­ment sur une neige qu’ils n’avaient pas prévu de voir en telle quantité. Même le virus a disparu. Au pied de la station tout est calme. Ces derniers jours, personne n’a osé s’aventurer sur les flancs de la montagne et les avalanches sont descendues jusqu’au front de neige en engloutiss­ant la cabane de chronométr­age du stade de compétitio­n. Les autorités ont peur d’avoir à faire face à davantage de dégâts... Par chance, le lendemain matin, le ciel s’ouvre, la neige ne tombe plus et le vent a disparu. Il faut aussi

comprendre qu’avoir un temps clair sur un volcan au milieu de la France, ce n’est pas tous les jours que ça arrive. En général, le Sancy, culminant à seulement 1886 m d’altitude, est fouetté par des vents violents qui emportent généraleme­nt la neige loin des couloirs et laissent place à de la glace ou de l’herbe. De plus, son altitude peu élevée au milieu des prés et des plateaux, l’oblige à rester caché dans les basses couches, dans un brouillard épais, et les locaux ont plutôt l’habitude de rider les yeux fermés quand les conditions de neige sont bonnes. Pour en revenir à nos cochons, ce 1er Janvier 2021 se profile comme un miracle... 600 m séparent le front de neige des entrées des couloirs. Pour en profiter, il faut se lever tôt pour ne pas laisser passer l’opportunit­é de faire des dessins dans le maximum de « coulées » possible. Les « coulées » sont ici les formations géologique­s qui descendent du cratère du volcan formant des lignes étonnammen­t esthétique­s et raides. Comme tout volcan, le Puy du Sancy laisse la possibilit­é de skier sur toutes les orientatio­ns avec des neiges différente­s de chaque côté et forcément, c’est sur sa face nord que la neige reste la plus fraîche, à l’ombre. Il n’a fallu pas plus de 45 minutes depuis le front de neige pour arriver là où il fallait être. Et la lumière fut. Premier run mi-ombre mi-soleil dans une neige à -10° qui vole comme en 40. Aujourd’hui, ça va être la guerre dans ce petit paradis. De 8 à 17 h, les malfaiteur­s skient jusqu’à épuisement. Avec l’aide des connaissan­ces de Matt et de ses amis auvergnats, Julien Rouyere et Nicolas Girardet, pas une minute n’est perdue en enchaînant les montées en courant et les descentes en glissant. On enlève les peaux de phoques pour les remettre 5 minutes plus tard. Encore et encore. 600 m, ce n’est pas grandchose, sauf peut-être après 6 runs !

Au final, tout s’est bien passé. Malgré l’inquiétude du PGM et de la préfecture, pas une avalanche, pas une plaque, pas même une petite coulée. Que du bonheur. Le tapis magique comme on dit. On nous raconte que jamais les pentes n’ont été aussi blanches, que tous les cailloux ont disparu, que l’accessibil­ité était ce jour-là, invraisemb­lable... Le PGM a tout de même tourné toute la journée au-dessus de nos têtes pour on ne sait quelle raison, mais la sécurité était bien assurée par la région bien que tout cela ne soit pas habituel. Stéphane Auriacombe, le chef de la station, nous a même suivis dans nos préméditat­ions, ce qui vous l’avouerez n’est pas non plus très commun. Voilà donc comment les charognard­s du Mont-Blanc ont encore eu de la chance.

SESSION MINI-GOLF EN FORÊT

Maintenant, il est l’heure de se faire aux coutumes du pays. Malheureus­ement, il est difficile de profiter des spécialité­s culinaires ou encore des sources thermales en ces temps de fin du monde. Tout le monde reste donc concentré sur le ski. Au matin du deuxième jour, le brouillard est revenu. Le meilleur plan est donc de faire du mini-golf dans la forêt.

Autour des villages, la beauté règne dans un froid polaire qui a littéralem­ent gelé les environs pendant qu’il pleut tout à côté dans la ville de Clermont-Ferrand. Les touristes profitent des pistes de ski de fond et envahissen­t les bois avec leurs raquettes. Personne ne skie à part la bande de Matt. Une série de dômes volcanique­s entoure la petite vallée. Les voleurs de poudre s’affairent alors à monter une colline, puis une autre, puis encore une autre. Une fois de plus, la chance sourit aux audacieux. La neige est restée fraîche et les forêts toutes aussi accueillan­tes que les habitants du pays malgré un vent violent sur les cimes. Le sourire aux lèvres, les locaux s’entêtent à nous énoncer les noms des runs pratiqués pendant ces deux journées. Le Y, le Vigier, le chemin des chèvres, le sentier du fromage, le couloir du capucin ou encore le dôme du St Nectaire, bref, c’est ça le ski en Auvergne. Un endroit singulier et bien ancré dans les traditions françaises. Car oui, là-bas, c’est bien la France, la vraie, avec ses bons côtés et ses mauvais, ses spécialité­s et ses coups de gueule à tir l’aligot. Nous sommes déjà le 3 janvier 2021. Il est l’heure de rentrer. Presque 5 h de route nous séparent de la vallée de Chamonix où la neige n’a pas vraiment encore pointé le bout de son nez, où la COVID 19 n’a pas été oubliée et où l’avenir incertain d’un hiver sans remontées mécaniques s’est déjà bien installé. Dur retour à la réalité. Mais en ces temps difficiles, il en faut peu pour être heureux. Surtout quand on peut enfin profiter de la nature, quand la vie sourit à nouveau, qu’enfin on oublie tout ce qu’il s’est passé cette dernière année. Courir après la neige, garder les yeux ouverts, respirer l’air pur, découvrir de nouvelles montagnes... On n’oserait pas dire que le ski c’est la vie, mais si, plus que tout ! Être dehors, c’est souffler sur nos écrans de fumée et balayer tout ce qu’il y a de mauvais. Alors un conseil : malgré tout, ne restez pas chez vous, le monde est à nous !

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