Skieur Magazine

L’Hiver sans fin

- Laurent Belluard

Comme chaque année, nous vous proposons les nouveautés qui feront belles les vitrines des magasins à l’automne prochain, lorsqu’on se prendra à nouveau à rêver de ski. Pourtant, avec la saison blanche qui se termine sans avoir commencée, il n’y a qu’à la force des mollets qu’on a pu goûter à la neige, avec au passage, un mois de janvier d’anthologie en termes de conditions. Pour le matériel, il est clair que les rayons rando et freerando vont devoir être généreusem­ent réapprovis­ionnés avec des produits fraîchemen­t sortis des usines. Mais pour le reste, les skis millésime 21 ont pris la poussière mais n’ont jamais touché la neige. Il n’y aura donc quasiment pas de commandes de base, les magasins étant déjà stockés. Ceux qui auront traversés la tempête sans naufrage iront probableme­nt picoter ici ou là dans les nouvelles gammes histoire d’effacer le souvenir de cette année noire, mais les prévisions des fabricants pour le marché français affichent un terrible -70%. Un cataclysme pour tout l’écosystème du ski qui pour l’instant, ne trouve aucune réponse concrète du côté de l’État qui ne parvient pas à mettre en musique une aide en adéquation avec la spécificit­é de l’économie du ski : la saison, c’est quatre mois alors que les charges fixes courent sur douze. Les skis invendus ou non loués durant l’hiver ne seront pas écoulés cet été : le marché se retrouve donc sclérosé jusqu’à octobre 2022, pour peu que la saison à venir soit dynamique et enneigée. Manquerait plus que ça !

Les mois à venir ressemble donc à un hiver sans fin, mais pas celui fantasmé par les skieurs. Un hiver sans fin aux sombres perspectiv­es, où tout est gelé, figé. Alors que le vaccin nous permettra à l’été de reprendre une vie à peu près normale, le business du ski sera toujours à l’arrêt et à l’automne, la pompe se réamorcera doucement, les skis invendus commençant à être déstockés. Mais côté fabricant, toujours rien à l’horizon ! Pas de commandes, pas de vente. Rien de véritablem­ent concret ne se passera avant le printemps 2022 puisque le secteur de la randonnée ne pèse qu’un peu plus de 10% du marché, idem pour le nordique. Leur dynamisme ne cache même pas la misère. Pourtant, juste à côté de nous, l’exemple suisse montre qu’en ayant laissé les stations de ski ouvertes, on dénombre mi-mars 9500 décès pour 8,5 millions d’habitants, soit 0,0011% contre 0,0013% en France ! Autant dire que la mesure, mortifère pour l’économie du ski français, n’a en plus servi à rien sur le plan sanitaire ! Il aurait été possible d’ouvrir la majorité des remontées mécaniques tout en fermant les hôtels et restaurant­s (ou click&collect), comme en Espagne ou en Autriche. Certes, il n’est plus l’heure de refaire l’histoire de cette saison gâchée, mais jusqu’où ne va-t-elle pas aussi écrire celle des suivantes ? C’est bien là le coeur du problème, d’autant que l’administra­tion semble touchée d’ophtalmie des neiges. Quand ça veut pas…

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