Skieur Magazine

Le ski dans le viseur

- Laurent Belluard

Ça n’est plus de la paranoïa hélas, c’est devenu une certitude : le monde médiatiquo-politique a désormais un a priori négatif sur le ski de piste. Pas celui qui fait résonner la Marseillai­se et pas davantage celui socialemen­t et idéologiqu­ement acceptable, le ski de rando, bien sous tous rapports car « déconstrui­t » des remontées mécaniques, non, ce lobby politico-médiatique regarde de travers le ski que tout le monde pratique en station, ce bon vieux ski alpin. Pourtant, ce début de « skibashing » se trouve en totale opposition avec la réalité du terrain, déconnecté du plaisir qu’on eut des millions de Français sur les domaines skiables cette saison. Alors pourquoi ces millions de sourires sur neige damée gênent-ils donc ? Parce qu’à force de rabâcher des mensonges, cela infuse dans la société. À force d’entendre que c’est très mal la neige de culture, le ski devient suspect. À force de relayer bêtement le moindre appel à manifester contre chaque retenue d’altitude (dont plus aucune n’est autorisée si elle est à usage unique), on risque de se retrouver devant une impasse : la montagne doit s’adapter au réchauffem­ent climatique tellement sensible en altitude mais qu’est-ce la neige de culture si ce n’est cette adaptation justement ? Le matériel de ski, présenté dans ce numéro Pro, est intimement lié à son écosystème les domaines skiables. Il n’est donc pas hors sujet de mêler les deux sujets qui n’en font qu’un. Il se trouve qu’en lisant le Figaro (pas reporterre ou Libération), un quotidien où l’écriture inclusive est encore bannie et dont les pages saumon sont dédiées à l’économie et à la finance, bref, pas un journal intégriste de l’écologie politique, je trébuche sur un article sur les Jeux Olympiques intitulé : Pékin 2 022 des JO d’hiver avec 100 % de neige artificiel­le, une triste première. Intéressé, je poursuis ma lecture. On y parle de « fausse neige », on admet que la rigueur du climat local fera que cette fausse neige ne fondra pas avant la belle saison, mais on déplore qu’il ait fallu 185 millions de litres d’eau (qui seront rendus à la nature au printemps), pour enneiger le site olympique. Bon, une piscine olympique, c’est environ 3 millions de litres d’eau dans lesquels on met de la Javel… 60 piscines olympiques, et c’est pareil en pire ! Bref, cet article pleurniche un peu, laissant à croire que le ski, avec ses canons à neige, c’est vraiment une catastroph­e écologique. Quelques jours plus tard, je tombe sur un article dithyrambi­que sur le nouveau centre d’entraîneme­nt XXL du PSG avec pelouses chauffées, équipement­s luxueux, projet pharaoniqu­e de 300 millions d’euros avec une emprise au sol de 74 hectares. Je m’intéresse jusqu’à la dernière ligne : pas une critique, rien, pas même un commentair­e sur les pelouses chauffées. Pourtant, c’est le même journalist­e qui a signé ces deux articles ! Comment ne pas en déduire que le regard porté sur le ski est différent du reste ? Comment faire comprendre à ce type de journalist­es que cracher de l’eau par températur­e négative pour faire de la neige pollue moins que de déneiger et saler les routes l’hiver ? Que chauffer des pelouses de foot ne relève pas vraiment de la transition écologique non plus ? Alors pourquoi cette forme d’acharnemen­t contre le ski de piste que les Français plébiscite­nt ? Simplement parce que ce bruit médiatiquo-politique l’emporte peu à peu sur le bon sens. Et c’est bien dommage car un jour il sera trop tard pour le déplorer. Ce jour-là, il ne sera plus utile de relayer les nouveautés des fabricants de skis puisque ne restera que la randonnée, et encore, si on ne nous interdit pas de skier tout court en montagne. Le parc national des Calanques a bien déjà commencé à réglemente­r l’escalade en interdisan­t certains secteurs voire l’accès à certains profession­nels, bref, à restreindr­e la liberté de grimper dans un massif historique de l’alpinisme, là où Gaston Rébuffat avait fait ses premières armes. Le pire n’est jamais certain, mais jamais impossible…

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Janvier 2022, freeride 4* à St Anton avec vue station.

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