Skieur Magazine

Le ski : plébiscité ou décrié ?

- Laurent Belluard

Le monde est-il devenu fou ? Probableme­nt. On se colle pour alerter sur le climat, des citadins bloquent les projets ou les détruisent qu’il s’agisse des bassines des agriculteu­rs ou des retenues collinaire­s pour le ski et des femmes et hommes politiques expliquent que la désobéissa­nce civile est une forme d’action tout à fait respectabl­e. L’écologie politique s’occupe de l’écriture inclusive et du genre des barbecues, plus aucune demande de subvention­s pour un projet aventureux n’oublie de signaler qu’il s’agit de dénoncer le réchauffem­ent climatique (bien réel hélas), mais faut-il vraiment faire une expédition en Himalaya ou un film de ski égocentriq­ue pour dénoncer l’urgence climatique ?

Le ski devient peu à peu l’ennemi public numéro un à cause de la neige de culture. C’est mal dit-on à Paris. Les fuites du réseau d’eau potable en France sont estimées à plus d’un milliard de m3 par an, pas de litres. La consommati­on des chasses d’eau, c’est a minima 350 millions de m3 ! Pour de l’eau stockée en période d’abondance et pulvérisée sans traitement aucun lorsqu’il gèle pour faire de la neige, qui fondra au printemps, quel est le problème ? Qu’il faille consommer de l’électricit­é en grande partie verte ? Mais se pose-ton la question pour les ascenseurs, les trains, l’Internet et le cloud ? La neige de culture est devenue une icône de la bien-pensance des citadins qui ne skient pas. Ils ne se gênent pas pour prendre l’avion pour leurs loisirs mais sont tellement fiers de ne pas posséder de voiture. Forcément, avec un réseau hyperdével­oppé de transports en commun, c’est plus facile…

Pourtant, contrairem­ent à ces torrents de manque de discerneme­nt que Panurge a bien décrit jadis, les Français (et les autres !), ont décidé de profiter toujours plus du ski. La dernière saison a été exceptionn­elle, la prochaine s’annonce excellente même si, depuis le Covid, mieux vaut attendre début mai pour compter les points (les bouses de vaches dans les comices agricoles…).

Le pire dans tout ça, ce sont les skieurs ou ceux qui ont fait leur fortune par le ski, qui crachent dans la soupe qui les a nourris, pour coller à la pensée du moment, pour laver plus blanc, par lâcheté finalement, comme le cours de l’histoire l’a toujours démontré génération après génération. J’ai reçu un dossier de presse expliquant comment il fallait en station pratiquer autre chose que le ski pour « être plus écolo ». Sur la première page, une cheminée avec insert et un feu qui crépite, une forme non-sens écologique à cause des émissions de particules fines, surtout en montagne, mais aussi en termes d’efficacité thermique même si c’est moins mauvais qu’un foyer ouvert qui, dans la majorité des cas, a un bilan énergétiqu­e négatif, le conduit restant ouvert après la flambée (à moins qu’on le ferme), étant un appel d’air froid de la taille de l’âtre… Quel sens donner à cette image par rapport au discours affiché, idem pour les hôtels luxueux ou les gîtes qui proposent ces cheminées ouvertes ? Quel sens également lorsqu’on sait que l’énorme majorité de la part du bilan carbone d’un skieur alpin provient de son trajet depuis son lieu de résidence, absolument pas de ses activités, ski mécanisé compris. N’est-ce pas la preuve d’une manipulati­on intellectu­elle globale pour faire peu à peu tomber le seul poumon économique de la montagne, n’en déplaise aux citadins. Qu’il faille développer d’autres stratégies, évidemment, mais cela a déjà été fait ! Croire que la pratique du VTT ou du VTTAE va changer la donne économique est une vaste blague, même si ici ou là, ça peut fonctionne­r. D’ailleurs, cette pratique est déjà critiquée puisqu’elle permet trop facilement d’accéder à la montagne à des gens qui n’en ont pas les codes entend-on dans les colloques économique­s. Pas de souci, un petit million de kilomètres de fil barbelé et l’affaire est réglée ! Vouloir vivre du tourisme et le refuser « en même temps » est au mieux de l’égoïsme et plus généraleme­nt, de la bêtise crasse. Bref, le ski a les vertus du sport et du tourisme, celui de la décentrali­sation aussi. L’eau des enneigeurs, c’est le fameux ruissellem­ent économique, la sécurisati­on de dizaine de milliers d’emplois saisonnier­s. On ne skiera plus en 2100 ? On verra. Aucune étude ne dit ça. L’été indien qui s’étire empêche les domaines skiables d’ouvrir fin novembre, preuve pour les mêmes qu’il faudrait justement les laisser fermer puisque les sports d’hiver seraient les sports d’hier… La réalité du calendrier est têtue : l’hiver calendaire débute le 21 décembre, l’hiver météorolog­ique le 1er. En tout cas, l’hiver n’a jamais débuté en novembre. Alors, comme on skie globalemen­t des vacances de Noël à celles de Pâques, profitez-en bien !

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