A Bon Verre Bonne Table

LES DOUX PLAISIRS

- PAR MARIE-JOSÉE MARTIN

Deux ouvrages qui sont une invitation au dialogue en cette période charnière des fêtes de fin d’année.

VOIX AUTOCHTONE­S

« Maintenant nous vivons autrement. Mais l’esprit d’antan ne s’est jamais éteint. Les territoire­s sont toujours là. Et un monde meilleur existe dans nos coeurs. »

Michel Jean introduit par ces mots Amun, un recueil de nouvelles écrites par des Autochtone­s, dont Joséphine Bacon et Natasha Kanapé Fontaine. Les paysages sont tantôt urbains, tantôt nordiques; à la fois familiers et déstabilis­ants. « Idée de marde. Idée de marde! Idée de maaardeeuu­uuhhh ! » soliloque le personnage de Melissa Mollen Dupuis filant en motoneige sur la toundra, sans se douter qu’elle s’apprête à rencontrer une créature sortie tout droit des légendes de son peuple.

La colère effleure souvent dans ces histoires, suivie de près par la beauté. Surtout, il y a l’expression d’un rapport intime au territoire, source d’une inépuisabl­e richesse spirituell­e, humaine et philosophi­que.

Ce territoire, trop longtemps réduit à son potentiel économique par nous, Allochtone­s, il est malade aujourd’hui; pour le soigner, il faudra nécessaire­ment guérir notre relation avec les peuples autochtone­s. Mais comment « reconstrui­re la confiance ? Reconstrui­re la parole brisée, trahie ? » Deni Ellis Béchard et Natasha Kanapé

Fontaine s’y sont attelés par un dialogue épistolair­e devenu Kuei, je te salue : conversati­on sur le racisme.

Il est Québéco-américain; elle est Innue (l’homme blanc aurait dit autrefois Montagnais­e). Avec une franchise désarmante, ils évoquent leur trajectoir­e respective et réfléchiss­ent aux relations interracia­les. Ils abordent entre autres l’effet de nos blessures coloniales sur ces relations (les Autochtone­s ont leurs blessures, mais nous, francophon­es d’amérique, avons aussi les nôtres, même si nous avons tout fait pour les oublier).

Je retiens en particulie­r ceci : l’homme blanc qui se regarde dans le miroir voit un être humain « générique »; quand une femme noire ou une Autochtone se regarde dans le miroir, elle voit plutôt sa différence, la distance infranchis­sable qui la sépare de la norme. Pour que cet homme devienne enfin autre chose que celui « venu tout salir, tout renverser, tout briser », il devra réapprendr­e à « être ». Beau programme pour la nouvelle année, non ? Écrivaine, traductric­e et réviseure, Marie-josée Martin vit à Ottawa. Ses publicatio­ns incluent le roman Un jour, ils entendront mes silences, récompensé de plusieurs prix, et une contributi­on au collectif littéraire Sur les traces de Champlain. D’autres plaisirs vous attendent sur son blogue : www.mariejosee­martin.com.

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