Margaux, toujours autant de sensualité
UN PREMIER CRU CLASSÉ QUI PORTE LE NOM DE SON APPELLATION, À MOINS QUE CE NE SOIT L’INVERSE. MARGAUX EST UNIQUE ; SES CRUS, QU’ILS SOIENT GRANDS, BOURGEOIS, ARTISANS OU SANS-GRADE, LA RACONTENT…
Elle
a tout de la première de la classe… Elle est la plus vaste appellation médocaine ; elle naît d’un sol vertueux de vieux cailloux roulés par les siècles, protégés par la forêt et par un estuaire bienfaiteur qui repousse les nuages ; elle compte vingt et un châteaux adoubés par le classement commandé par Napoléon III en 1855, dont un premier cru… Dès lors, savoir si c’est le château qui a donné son nom à l’appellation margaux ou l’inverse, c’est un peu comme savoir si au début était l’oeuf ou la poule ! Château Margaux est en communion parfaite avec le charme universel des vins produits sur son appellation : la façade aux colonnes douces sur le modèle du Parthénon, le parc romantique, l’orangeraie, mais plus que tout, le génie du lieu. D’un lieu en particulier : un plateau, socle minéral de graves günziennes profondes parfois de plus de 20 mètres, festonné de terrasses tout aussi éloquentes, où s’emmêlent les cailloux et les argiles pour servir l’identité margalaise qui fait le lien entre les propriétés et unit dans son vin cinq communes : Arsac, Cantenac, Labarde, Margaux et Soussans. Mais surtout, elle dévoile sa sensualité dans la pureté de fruit du Château Margaux 2016, le parangon, embrassé d’un tanin profond servi par ce sous-sol remarquable.
LE SENS DU TERROIR
Le château, propriété de la famille Mentzelopoulos, fait partie de l’élite dès la fin du XVIe siècle, et il n’y a aucune raison pour que cela change… Le chai Foster, inauguré il y a une poignée d’années, et la finesse du découpage des 130 parcelles constituant le domaine viticole du Château Margaux donnent encore plus de précision aux vins. Philippe Bascaules, directeur du domaine, est clair sur le sujet : « On va de plus en plus dans le sens du terroir. Un terroir, c’est un ensemble de personnes qui s’intéressent à un monument commun et se regroupent autour d’un sol ; ils en ont la même vision. Cela fait longtemps que, dans le Médoc, nous avons une vision partagée. » Récemment encore, les producteurs ont pris la décision de s’unir derrière un concept de biodiversité pour créer les variations dans le pays afin que l’impact de la viticulture ne
L' eon otourisme a fait son entree dans le vignoble margalais ou la plupart des grands crus sont ouverts au public.
vienne pas perturber l’environnement et préserver la douceur des paysages margalais avec, en point d’orgue, le château bâti fin XVIIIe par le marquis de La Colonilla. Le propriétaire d’origine française fit fortune en Espagne et, pour célébrer son retour, construisit un superbe château surnommé le Versailles du Médoc. Nonobstant ce bâti grandiose, le château a toujours soigné un luxe discret : « Margaux n’est pas un vin de dégustation, c’est un vin que l’on boit. » Cette proximité entre les vins du château, ceux de l’appellation en général et le consommateur est à l’équilibre. Le soyeux des tanins, la finesse et la profondeur savoureuse d’un vin ourlé de velours, ont autant de charmes que Margaux dégrafant son corsage. Il faut bien se rendre à l’évidence, le raffinement délicat de ses cabernets et merlots penche plutôt du côté féminin de la force, davantage que Pauillac à la virile musculature, que l’on rejoint plus au nord par la D2 qui lie entre elles les appellations médocaines. L’AOC margaux est née vingt ans après les autres. Avait-on besoin de reconnaissance, étant donné la proximité de Bordeaux ? Était-ce utile d’être promu AOC, avec plus de vingt grands crus couronnés appartenant à la noblesse, ces marquis de l’histoire qui y avaient un château, une place forte, fondant la célébrité de cette vaste terre ? L’histoire retiendra ce passé glorieux et ces titres, mais margaux est plus complexe : construite autour d’un premier cru, c’est indéniable, de sa cour, c’est évident, mais aussi de ces bourgeois moins nobles mais tout aussi méritants, de ces artisans moins coûteux dont on se régale. Il est d’ailleurs possible aujourd’hui de pousser la porte de l’un des nombreux châteaux invitant les touristes à visiter les chais rénovés de fraîche date. Il y a moins de vingt ans, les courants d’air dans les châteaux étaient plus nombreux que les cuves dans les chais ; ce temps-là est révolu, pour s’en assurer, le concept d’oenotourisme, inventé depuis une dizaine d’années, est la voie royale.