Feuillet Hebdo de la Revue Fiduciaire
Exigibilité de la TVA sur les abandons de loyers : une jurisprudence partagée
2-15
Lorsqu'un bailleur renonce à percevoir un loyer, aucune TVA ne devrait être due en l'absence d'encaissement.
Quant au locataire, son droit à déduction ne prenant naissance qu'au moment de l'exigibilité de la taxe chez le bailleur, il n'acquiert de son côté aucun droit à déduction au titre des loyers non acquittés.
Cette analyse résulte de la jurisprudence du Conseil d'état, pour qui la TVA afférente aux prestations de services ne peut être assise que sur des sommes réellement encaissées. Ainsi, la remise volontaire par le créancier d'une dette, qui constitue un mode d'extinction de l'obligation de payer mais n'entraîne la perception d'aucune somme par le créancier, n'équivaut pas pour ce dernier à un encaissement au sens de l'article 269, 2.c du CGI.
Selon les dispositions de l'article 269, 2.c du CGI, pour les prestations de services, la TVA est exigible lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits.
La haute juridiction a ainsi jugé que les honoraires qu'un contribuable aurait pu percevoir mais qui n'avaient pas été réellement encaissés ne pouvaient pas être compris dans le chiffre d'affaires taxable (CE 16 juin 1986, n° 42523). En outre, la circonstance qu'une personne ait renoncé volontairement à percevoir des redevances, alors qu'elle mettait à disposition d'un tiers un fonds de commerce, ne permet pas à l'administration d'exiger d'elle la TVA sur les sommes correspondant à la renonciation à ces créances, dès lors que la taxe ne peut porter que sur une rémunération effectivement encaissée (CE 2 mai 2018, n° 404161).
Néanmoins, cette analyse ne fait pas l'unanimité au sein des cours administratives d'appel, certaines d'entre elles ayant considéré qu'un abandon de créances procédait d'un acte de disposition qui s'analysait comme un encaissement suivi d'une libéralité envers le débiteur, rendant, par suite, exigible le montant de la TVA en application de l'article 269, 2.c du CGI (CAA Bordeaux 7 mai 2008, n° 06BX01398 ; CAA Versailles 27 mars 2012, n° 10VE01514 ; CAA Nancy 2 février 2017, n° 15NC01640).
Le raisonnement de ces cours est contestable, car il est fondé sur une analyse purement civiliste, contraire à la lettre de l'article 269 du CGI et à la logique de la TVA.