Cuisine et Vins de France

UN VIN, UNE BALADE

Irouléguy, l’autre trésor basque

- PAR KARINE VALENTIN

ON DÉCOUVRE…

C’était en mars. Parfois, un effluve grillé emporté par la brise flottait dans l’atmosphère. L’écobuage de l’hiver, plus ou moins maîtrisé par les paysans pour entretenir les pâtures, avait laissé les collines noires, brunies par le feu, un peu tristes. Dans quelques semaines, le vert des pousses tendres donnerait des couleurs au relief, au même titre que les bourgeons de la vigne d’Irouléguy qui, précoces, pointaient déjà leur duvet cotonneux. Un peu tôt pour ce vignoble de montagne dont les vignes incrustées dans les collines en stries régulières caressent la pente jusqu’à 400 m. Au-dessus, c’est l’estive, et les brebis qui jouent à saute-mouton avec les parcelles d’une poignée de domaines viticoles : 12 caves particuliè­res et une coopérativ­e de 39 membres. Éleveurs et vignerons se disputent les terres : il faut bien que broutent les bêtes, même si c’est sur l’une des parcelles constituan­t l’appellatio­n irouléguy, dont 240 ha sont plantés, et presque la moitié en agricultur­e bio. L’Arradoy et le Jara crèvent les nuages : il pleut souvent sur le vignoble de Basse-Navarre implanté au siècle par les moines de Ronceveaux pour le réconfort des pèlerins de Compostell­e. Le climat est plutôt océanique sous un souffle montagnard : une paire d’influences qui affûte l’acidité des vins issus de vignes flanquées sur les pentes vertigineu­ses de ce vignoble où les vignerons se font peur plus qu’à leur tour. Sans être vraiment tourmenté, le relief bousculé par les Pyrénées s’arrondit en crêtes et collines aux sols étagés en mille-feuille de roches variées plus ou moins jeunes. Schistes, grès rouges, argile, calcaires, ophite du Keuper forment le musée géologique du vignoble d’Irouléguy où la terre est mère du vin et le climat, son père… Entre eux, le vigneron, fils des âges, produit blancs, rouges et rosés.

ON VISITE…

À Saint-Jean-Pied-de-Port – port, de puerto, qui signifie « col » en espagnol, et donc rien à voir avec la mer qui est à plus de 50 km –, les pèlerins traversent le village basque de 1 200 âmes avant de franchir la montagne vers Ronceveaux. Ils empruntent l’avenue des Américains, ainsi nommée en raison des maisons autrefois propriétés de colons basques qui, ayant fait fortune aux Amériques, s’en étaient revenus au pays, donnant à leur etxe (maison, en basque) des noms d’États américains. Avec leurs volets verts ou rouges, elles font partie du patrimoine culturel. Autrefois, hommes et bétail y cohabitaie­nt. Elles entourent les frontons des villages où les tournois de pelote basque se jouent l’été quand, l’hiver, les cafés se remplissen­t de joueurs de mus, un jeu de cartes inscrit à l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel de France… Et ça bluffe gaiement sous les bérets, avant d’aller dévorer les crevettes au piment d’Espelette chez Michel Ibargaray, au Café Ttipia, dont la terrasse donne sur la Nive. Les jours de marché, on achète un ossau-iraty d’un des 1 200 producteur­s. C’est la première des 4 AOP locales comprenant le vin, le piment d’Espelette et le kintoa, le porc noir. Si le cidre basque n’a pas encore obtenu la reconnaiss­ance de l’appellatio­n, elle serait pourtant la bienvenue chez certains. On pense au domaine Bordatto qui propose, entre autres production­s viticoles, un vin de pomme (voir notre sélection), extra sur des fromages. Il est à la carte des vins du Choko Ona, à Saint-Jean-le-Vieux, au même titre que la plupart des belles bouteilles du coin. L’adresse est une parmi d’autres où le produit local se trouve particuliè­rement bien traité. Quand on parle de pomme, la poire n’est jamais loin, et celle que la maison Brana distille depuis plusieurs génération­s est au tableau du patrimoine local.

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Après avoir déambulé dans Saint-JeanPied-de-Port, l’heure est à la dégustatio­n du piment d’Espelette sous toutes ses formes et de la fameuse charcuteri­e basque, en affinité parfaite avec les crus d’Irouléguy.
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